"Le système Victoria" : une quête de l’autre, impitoyable et destructrice
"Excusez-moi, Madame. Il n'est pas dans mes habitudes d'aborder des inconnues dans les centres commerciaux" lui ai-je dit. Je, c'est David, le narrateur. David qui ose comme si peu aujourd'hui aborder une femme dans la rue parce qu'elle lui a soudain plu.
Avec un tel argument, on pourrait aller directement au mot Fin après avoir rempli soi-même les pages blanches qu'un tel début laisse supposer, Et l'on passerait à côté de cette histoire.
Parce que Lui n'est pas un dragueur de supermarché comme le chantait Dutronc. Il est chef de travaux de la plus haute tour de la Défense. Rationnel donc, stable émotionnellement, marié, père de deux filles, une aventure ne le rebute pas pourvu qu'elle ne tourne pas à l’adultère en s’installant dans la durée. Et Victoria n'est pas une midinette ni une bourgeoise en mal de sensations clandestines. DRH dans un puissant groupe international, Elle est femme de pouvoir. Donc de décision, de lutte et d'affrontement. Et de Victoire !
Seulement, cet interdit qu’ils se fixent l’un et l’autre « d’une fois pas plus » ne va pas résister à leur attirance réciproque. Cette attraction sexuelle passionnée va vite devenir insuffisante à ces deux êtres intelligents qui, finalement ne savent rien l’un de l’autre. Dans les chambres d’hôtel de luxe où ils se retrouvent, entre champagne et Bordeaux grands crus, ils… ne se parlent pas.
Le désir érotique est aussi désir de l’autre, de ce qu’il est, de ce qu’il cache. Et pour chacun, que dire de soi ? Que laisser paraître pour se préserver sans hypothéquer l’avenir ?
Avec des phrases, amples, souples comme des serpents (ceux du pêché ?), donc agréables, Eric Rheinhardt fait de nous les témoins presque voyeurs d’une inexorable chute dont les acteurs sont aussi les observateurs impuissants de leur misérable destin.
Cette Victoire que chacun croit remporter sur l’autre, sur soi, n’est pas loin de n’être au fond qu’une terrible défaite.
Le système Victoria - Éric Reinhardt
Stock - 22,50 €
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.