"Nous ne sommes pas nous-mêmes", le premier roman de Matthew Thomas nous aimante
La colonne vertébrale du roman, c'est Eileen. Une femme de caractère dont l'ambition va largement peser sur la vie de ses proches.
Eileen a grandi dans un petit appartement du Queens new-yorkais. Son père est une star dans la communauté irlandaise, sa mère vit dans son ombre, dépressive et alcoolique. L'écolière serre les dents. Elle a des rêves et aucune intention de les brader.
Elle devient infirmière, se choisit un mari. Ce sera Ed le surdoué, à qui une grande carrière de scientifique est promise. Mais Ed ne cherche pas la lumière, il se referme. Peu importe, Eileen déteste le surplace, elle trouvera d'autres leviers. L'appartement, l'immeuble, la maison plus vaste, un quartier plus tranquille... Elle imagine toujours le meilleur pour sa tribu.
Un fils naît. Connell deviendra quelqu'un, forcément. Eileen a de l'énergie à revendre. Et lorsque la maladie s'abat sur la famille, que les nuages s'accumulent, que le système de santé américain l'étrangle, elle ne lâche rien. Blessée, mais toujours debout.
Dix ans d'écriture
Avec elle, nous traversons plusieurs Amériques sans quitter New-York, de l'après-guerre à aujourd'hui. La vie qui change, le confort moderne qui s'impose dans les foyers, les mœurs qui évoluent. Déployée sur plus de plus de 800 pages, cette saga pourrait être un étouffe-chrétien, mais c'est tout le contraire qui se produit. L'écriture précise de Matthew Thomas nous tient en haleine, nous passionne pour ces vies avec encombres de la middle-class américaine.
Eileen et Ed. Eileen et Connell. Ed et Connell. Matthew Thomas excelle dans la description des rapports entre chaque membre du trio familial. D'une profondeur lumineuse, la lettre laissée par le père pour son fils vous tire les larmes.
Et dire que ce roman si maîtrisé, parfaitement charpenté, est le premier de Matthew Thomas ! Il lui aura fallu une décennie pour le boucler. Professeur de collège, il n'a que quarante ans. Et c'est une excellente nouvelle pour cette littérature américaine qui ne manque pourtant pas de talents.
"Nous ne sommes pas nous-mêmes" de Matthew Thomas (Belfond)
828 pages – 23,00 €
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