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Mouvement des gilets jaunes : Edouard Louis se dit "bouleversé" et explique pourquoi sur Twitter

Le romancier Edouard Louis s'est exprimé hier sur le mouvement des Gilets Jaunes. L'auteur d'"En finir avec Eddy Bellegueule" dit avoir "ressenti un choc" en voyant apparaître les premières images des gilets jaunes.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le romancier Edouard Louis le 26 mai lors d'une manifestation à Paris
 (Yann Castanier / Hans Lucas)

"Depuis quelques jours j'essaye d'écrire un texte sur et pour les gilets jaunes, mais je n'y arrive pas". C'est comme ça que commence cette tribune, publiée en 25 tweets par le romancier Edouard Louis, auteur de "En finir avec Eddy Bellegeule" (Seuil, 2014), un premier roman dans lequel il racontait son enfance dans une famille pauvre d'un village de Picardie.

Le romancier confie, avant d'expliquer pourquoi, combien les premières images du mouvement des gilets jaunes l'ont ému. "Quelque chose dans l'extrême violence et le mépris de classe qui s'abattent sur ce mouvement me paralyse, parce que, d'une certaine façon, je me sens personnellement visé".
https://twitter.com/edouard_louis/status/1069956833287245824

"Des corps qui n'apparaissent presque jamais dans l'espace public et médiatique"

Edouard Louis a aussi dirigé aux Presses Universitaires de France le livre "Pierre Bourdieu. L'insoumission en héritage". Comme Annie Ernaux il inscrit son oeuvre dans une réflexion sur la reproduction sociale, mettant en scène dans sa démarche littéraire, sa propre histoire.

Pour lui, le mouvement des gilets jaunes est inédit dans le surgissement sur la scène publique, médiatique, d'une population habituellement silencieuse. "Je voyais sur les photos qui accompagnaient les articles des corps qui n'apparaissent presque jamais dans l'espace public et médiatique, des corps souffrants, ravagés par le travail, par la fatigue, par la faim, par l'humiliation permanente des dominants envers les dominés, par l'exclusion sociale et géographique, je voyais des corps fatigués, des mains fatiguées, des dos broyés, des regards épuisés", remarque le romancier.

"Les classes populaires ne se révoltent pas, non, elles grognent, comme des bêtes"

Images qui suscitent d'autant plus d'émotions qu'il y reconnait dans ces corps souffrants ceux de "son père, son frère, sa tante". Ce père qu''Edouard Louis honore dans "Qui a tué mon père"(Seuil, 2018), son dernier livre.

Le romancier explique les raisons de son bouleversement par les déclarations des "experts", "politiques", méprisantes selon lui. "Je voyais défiler sur les réseaux sociaux les mots "barbares", "abrutis", "ploucs", "irresponsables". Les médias parlaient de la "grogne" des gilets jaunes : les classes populaires ne se révoltent pas, non, elles grognent, comme des bêtes", dit-il. "Il faut vraiment n'avoir jamais connu la misère pour pouvoir penser qu'un tag sur un mouvement historique est plus grave que l'impossibilité de se soigner, de vivre, de se nourrir ou de nourrir sa famille", poursuit l'écrivain.

"Ce mouvement doit continuer, parce qu'il incarne quelque chose de juste"

Edouard Louis reconnait qu'il a pu y avoir "des gestes homophobes ou racistes au sein des gilets jaunes", mais il estime que ces accusations générales sont plutôt une manière pour "les classes dominantes" de dire : "Pauvres, taisez-vous ! "

Edouard Louis ajoute que le mouvement des gilets jaunes est un "mouvement à construire" et que "s'il existe de l'homophobie ou du racisme parmi les gilets jaunes, c'est notre responsabilité à toutes et à tous de transformer ce langage".

"Ce mouvement doit continuer, parce qu'il incarne quelque chose de juste, d'urgent, de profondément radical, parce que des visages et des voix qui sont d'habitude astreints à l'invisibilité sont enfin visibles et audibles", conclut le romancier. 

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