« L’œil du Léopard », le blues africain d’Henning Mankell
Quoi ? Encore un roman qui fait le grand écart entre Afrique et Scandinavie ? Et si Mankell finissait par se répéter, après « Le fils du vent », « Comedia Infantil » et « Le cerveau de Kennedy » ? Ces inquiétudes sont balayées dès la fin du premier chapitre. On a ici affaire à du grand, du très grand Mankell !
Nous faisons connaissance avec Hans Olofson dans les pires conditions. Il est en pleine crise de paludisme et de paranoïa. La fièvre, les angoisses, tout s’entrechoque. Hans est en Zambie, où il a posé ses bagages dix-huit ans plus tôt. Et où, chaque soir, il ne se couche qu’après avoir vérifié que le barillet de son revolver est rempli. Chaos physique et moral, on comprend que l’aventure touche à sa fin. Il est temps de découvrir comment Hans Olofson, producteur d’œufs de poules dans un pays gangrené par la corruption et les relents de colonialisme, a pu atterrir ici.
Et une fois de plus, Henning Mankell nous envoûte, nous enrobe de ce récit juste et si plausible. Nous y croisons pourtant un marin échoué dans la plaine, une femme sans nez, joueuse de trombone, un responsable humanitaire véreux ou un sorcier déguisé en employé-modèle. Et un léopard, jamais vraiment là, jamais vraiment loin. Qui incarne le cauchemar d’un homme, démuni face à une terre qu’il adore et qui lui échappe.
Comme souvent, le découpage est un modèle d’intelligence. Les chapitres jonglent entre les époques et les pays sans la moindre fausse note. Un magnifique appel au voyage, au courage et à la lucidité. On sort bouleversé de cette lecture. Du grand art.
« L’œil du léopard » de Henning Mankell (Seuil) 343 pages – 21,90 €
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