"Les garçons qui brûlent" : un polar islandais où le non-dit est un art de vivre
Jusqu’où êtes-vous prêt(e) à aller pour défendre votre enfant ? Eva Björg Ægisdóttir se penche sur les petites et grandes ambitions et interroge la maternité dans son dernier livre Les garçons qui brûlent (éditions de La martinière). Son personnage, l’inspectrice Elma elle-même enceinte, enquête sur la mort d’un jeune homme de vingt ans, disparu dans un mystérieux incendie. Pour l’inspectrice, une conclusion s’impose : toute le monde ment, ou ne dit pas toute la vérité. L’entourage de la victime, ses relations et voisins taisent des secrets. A Arkanes, comme souvent dans les petites villes, tout se sait, très vite. Et tout se tait. Le non-dit est un art de vivre. C’est dans ce milieu fermé, qui à la parole préfère le silence, qu’Elma nage à contrecourant, cherchant à faire émerger la vérité.
Briser le silence
Comme dans tout bon thriller, il y a deux, voire trois, affaires simultanément. En enquêtant sur le jeune garçon brûlé pendant son sommeil, l’inspectrice découvre des ramifications inattendues. Une fille au pair a disparu peu avant l’incendie criminel. Les deux affaires sont liées. Comment, pourquoi ? La mort est certitude, la vie un espoir, un combat. L’héroïne d’Eva Björg Ægisdóttir porte la vie, et tait elle-même des secrets. Le père de l’enfant ignore qu’elle est enceinte. L’autrice de Elma et Les Filles qui mentent décrit une société islandaise qui doute, confrontée à la modernité et à la consommation. Elle décrypte aussi la place de la femme dans un monde d’hommes.
Que faire dans une relation toxique ? Fuir ? Se battre ? Se résigner ? Il n’y a pas de recette ou de mode d’emploi. Les enfants qui brûlent ne donne pas de solution miracle, il invite à réfléchir. Au-delà de l’intrigue, fort bien construite par ailleurs, le livre invite aussi à l’introspection. Si la famille peut être un cadre d’épanouissement, elle peut se relever aussi étouffante, handicapante. Eva Björg Ægisdóttir a su trouver les mots justes pour dire toute la complexité du "je" et du "nous". De l’individu et du collectif. Parce que cette frontière ténue, invisible, détermine tous les choix.
Avec son écriture fluide et pleine d'empathie, Eva Björg Ægisdóttir tient en haleine le lecteur, qui voit évoluer devant ses yeux un puzzle original. Un roman noir intense.
(Les garçons qui brûlent, Eva Björg Ægisdóttir, éditions de La Martinière, 20,80 euros)
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