Les faits divers au cœur de la rentrée littéraire 2016
Deux romans sur la saga barbare de "la famille" Manson
Les meurtres commis par le clan de Charles Manson ont signé dans le sang la fin de l'utopie des Sixties, de l'illusion "peace and love" d'un monde qui avait secrété ses propres monstres. "California Girls" de Simon Liberati (Grasset) et "The Girls" (La Table Ronde/Quai Voltaire) de l'Américaine Emma Cline reviennent sur la saga barbare de "la famille" Manson.Le premier, auteur en 2015 d'un "Eva" remarqué par les critiques, s'est attaché au massacre le plus connu de cette communauté dégénérée, celui de l'actrice Sharon Tate, épouse du cinéaste Roman Polanski, et de quatre autres personnes le 9 août 1969. Petit de taille, musicien raté, Manson était doué d'un indéniable charisme qui a surtout fasciné des jeunes filles à la recherche d'un père ou d'un grand frère. C'est cet angle d'attaque des "girls" que les deux écrivains ont choisi. Avec des résultats très différents.
Aucun détail, même le plus sordide, n'est épargné au lecteur
"En 1969, j'avais 9 ans. La famille Manson est entrée avec fracas dans mon imaginaire. J'ai grandi avec l'image de trois filles de 20 ans défiant les tribunaux américains, une croix sanglante gravée sur le front", écrit Simon Liberati. Il a choisi de raconter, sur une période de 36 heures, le passage à l'acte sanglant des acolytes du gourou hippie qui commanditait les assassinats. Son récit tient le plus souvent du rapport d'autopsie : aucun détail, même le plus sordide, n'est épargné au lecteur. Une accumulation qui donne vite la nausée mais peu d'indices sur les raisons de la descente aux enfers de ces jeunes Américains, constamment sous l'emprise de la drogue dans un monde bien à eux où les notions de bien et de mal n'ont plus cours.Ces personnages, c'est une débutante, Emma Cline, née en 1989, bien après les assassinats, qui va leur donner chair, en suivant la dérive d'une ado mal dans sa peau, fascinée par une jeune fille membre d'une communauté qui ressemble fort à celle créée autour de Charles Manson. Emma Cline décrit bien ce cocon crasseux et déjanté - "un orphelinat pour enfants lascifs" - qui rassure des paumés en quête d'amour, d'amitié ou simplement d'une caresse. Et ces corps à la sexualité facile d'avant les années sida, ces filles à "l'état brut", toujours pieds nus, qui veulent échapper à une vie trop réglée et bâtir un monde "au delà du monde connu" qui les conduira en enfer.
"Girls", un premier roman maîtrisé de bout en bout, sait tout à tour être grave, drôle et sensible pour décrire une Amérique qui s'ennuie et dont le réveil sera tragique.
Le deuxième roman de Leila Slimani "Chanson douce" (Gallimard) est également inspiré d'un terrifiant fait divers américain survenu à New York en 2012 : l'assassinat par une nounou de deux enfants. Le roman de Leila Slimani raconte le piège de la dépendance qui se referme autour d'un jeune couple, qui engage Louise, une nounou pour leurs deux jeunes enfants.
Redonner vie aux victimes
Dans "La mésange et l'ogresse" (Plon), Harold Cobert revient sur le parcours criminel de Michel Fourniret, surnommé "l'Ogre des Ardennes". La "mésange" c'est Monique Olivier, la compagne du tueur en série, assassin d'au moins sept jeunes filles âgées de 12 à 22 ans. Harold Cobert se met littéralement dans la tête de la terrifiante Monique. Fut-elle une victime ou la complice des meurtres de son mari ? Pour Harold Cobert aucun doute n'est permis, la "mésange" Monique fut, à l'instar de son compagnon, une "véritable ogresse".Samuel Benchetrit, l'ex-compagnon de Marie Trintignant, ramène symboliquement à la vie sa compagne, victime des coups mortels d'un homme, dans "La nuit avec ma femme" (Plon), roman déchirant sur une vie brutalement brisée.
L'historien Ivan Jablonka a choisi quant à lui de redonner vie à Laëtitia Perrais, jeune femme de 18 ans, sauvagement assassinée en janvier 2011. Sobrement intitulé "Laëtitia" (Seuil), le livre de Jablonka ne se contente pas d'évoquer avec délicatesse et empathie la figure meurtrie de cette jeune fille. Il s'agit, explique l'historien, de toucher "une profondeur humaine et un certain état de la société". Cela donne un livre miroir de la société française au début des années 2010. Tout y passe: le fonctionnement de la justice, le rôle des politiques et des médias.
"California Girls" de Simon Liberati (Grasset)
"The Girls" d'Emma Cline (La Table Ronde/Quai Voltaire)
"La mésange et l'ogresse" d'Harold Cobert (Plon)
"Laëtitia" , de Ivan Jablonka (Seuil)
"La nuit avec ma femme", Samuel Benchetrit (Plon)
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