Le roman "Dracula" de Bram Stoker ensanglante enfin la Pléiade
Considéré par Orson Welles comme le plus grand roman du XXe siècle (bien qu’édité en 1897), "Dracula" du romancier irlandais Bram Stoker a fait son entrée jeudi 18 avril dans la prestigieuse collection la Pléiade éditée par Gallimard. Le texte est accompagné d’une cohorte d’autres vampires issus de grands textes fondateurs.
Publiée sous la direction d’Alain Morvan, cette nouvelle édition de Dracula est accompagnée d’autres œuvres : Christabel de Samuel Taylor Coleridge, Le Vampire ("un texte fondateur", selon Alain Morvan) de John William Polidori, Carmilla de Joseph Sheridan Le Fanu ou encore Le Sang du vampire de Florence Marryat, ainsi que Fragment de Lord Byron et des extraits de Thalaba le destructeur de Robert Southey et du Giaour de Lord Byron.
Dissiper les préjugés
"Le vampire demeure, par essence, un être terrifiant", reconnaît l'universitaire spécialiste de la littérature gothique Alain Morvan. A ce titre Dracula est le dernier grand texte gothique, genre né en 1764 de la plume de l’écrivain Horace Walpole dans Le Château d’Otrante.
Tous les textes rassemblés dans le volume ont été traduits de l'anglais par Alain Morvan. "L'intention ayant présidé aux choix des œuvres retenues pour cet ouvrage était de dissiper certains préjugés qui tendent à imposer au récit vampirique le statut peu valorisant d'une sous-culture à bon marché", souligne l'universitaire. Les écrits vampiriques que la littérature européenne voit surgir à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle "témoignent de la présence latente de la peur dans la sensibilité et dans l'imaginaire de l'homme moderne", explique-t-il par ailleurs dans son introduction. "Si le vampire fait peur, ajoute-t-il, il répond en même temps à notre besoin de peur".
Un roman subversif
Les adaptations cinématographiques de Dracula, "vampire par excellence", se sont par trop éloignées de l'œuvre originelle, estime Alain Morvan, sans doute pour sa nature épistolaire, difficile à transcrire à l’écran. L’universitaire souligne la nature "subversive" de ce texte à l'érotisme sous-jacent.
Le roman suggère également un regard critique sur la société victorienne, alors que Stoker était un grand bourgeois connu de la société anglaise, pour être le secrétaire particulier du plus grand acteur shakespearien de son époque, Henry Irving. Dans ce roman, projection des ténèbres de notre propre nature, la vie et la mort tissent un entrelacs lugubre, où la répulsion et le désir s'entremêlent.
Les autres œuvres du recueil
Le Vampire de Polidori, court roman du médecin et amant de Byron, est considéré comme le premier texte représentant le suceur de sang d’outre-tombe sous un jour aristocratique et, de ce fait, comme l’ancêtre de Dracula. Ouvertement saphique, Carmilla met en scène une femme vampire qui envoûte sa proie. La séduction est, littéralement, effrayante, et la prédation létale fait écho aux pulsions sexuelles refoulées de la victime. L’auteur de Dracula, Bram Stoker, s’est d’ailleurs inspiré de ce texte qu’il connaissait, écrit par son compatriote irlandais Sheridan Le Fanu, auteur par ailleurs de nombreux autres textes fantastiques.
Le Sang du vampire (pour la première fois traduit en français) propose, comme Carmilla, une variante féminine et insolite du mythe. Née sous le coup d'une malédiction héréditaire, Harriet Brandt, originaire de Jamaïque, est douée d'une propension fatale à faire du mal à ceux dont elle s'entiche. Autour d'elle, les êtres qui succombent à son charme exotique finissent par succomber tout court, tant ses cajoleries ou ses étreintes épuisent leur vitalité et se révèlent mortelles.
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