Gilles Leroy reçoit le Prix Marcel Pagnol pour "Le monde selon Billy Boy"
Les souvenirs d'enfance sont à l'honneur tous les ans dans les salons du Fouquet's, sur les Champs Elysées, là-même où le grand Marcel aimait "à refaire le monde avec ses amis", comme le dit son petit-fils Nicolas. C'est là que, depuis quinze ans, un prix récompense un roman évoquant cet univers si particulier cher à l'auteur du "Château de ma mère" et de "La gloire de mon père". Et depuis quinze ans, il a salué les romans intimes d'un Pascal Bruckner, "Un bon fils", ou d'Azouz Begag, "Le marteau pique-cœur", d'un Didier Van Cauwelaert, "Le père adopté" ou de Philippe Claudel, "Quelques-uns des cent regrets".
Hier soir, c'est le 17e roman de Gilles Leroy, "Le monde selon Billy Boy", paru en janvier au Mercure de France, qui s'est vu récompensé par un jury présidé par Daniel Picouly, composé de journalistes ou écrivains, et du petit-fil de Marcel, Nicolas.
Prix Goncourt en 2007 pour "Alabama Song", Gilles Leroy évoque les mois qui ont précédé sa naissance, depuis la rencontre de ses parents. En cette toute fin des années cinquante, Éliane a 20 ans quand elle tombe enceinte. André, le futur père, n’en a que 17 et ses parents s’opposent au mariage. Eliane a peur. André disparaît, sa propre mère la renie… Où trouver le courage de porter puis d’élever seule cet enfant ?
Gilles Leroy renoue ici avec la veine personnelle de son œuvre – dans la lignée de "Machines à sous" et de "Grandir". Car Éliane et André sont ses propres parents. Dans ce roman familial, il dresse les portraits émouvants d’une mère séduisante et combative, d’un père amoureux et flambeur, tous deux adorés et complexes. Avec une infinie tendresse, essayant d’imaginer leur vie avant lui et ce qu’elle aurait pu être sans lui, il cherche aussi à savoir d’où il vient, livrant de lui-même un autoportrait en creux.
"Qui aurais-je été, moi, écrit Gilles Leroy, si Éliane m’avait eu d’un autre homme ? Si elle m’avait conçu avec ce lieutenant Delor, j’aurais été un homme doux, sans doute, et posé comme lui. J’essayais de me représenter physiquement : de taille moyenne, voire petit, de corpulence fine et sèche, j’avais la peau brune, des cheveux noirs frisés, denses et brillants – plus rien à voir, enfin, avec cette plaie de rouquin à la peau trop fragile. Mon imagination s’arrêtait là et le commencement de fiction s’éventait aussitôt, aporétique et sans issue, puisqu’on ne récrit pas l’histoire, celle de son corps encore moins que celle des hommes".
Gilles Leroy a exprimé son admiration pour l'œuvre de Pagnol, capable, à l'égal d'un Faulkner, de "toucher à l'universel à partir d'un microcosme, pas plus grand qu'un timbre poste… Et plus le timbre poste est petit, plus le travail de l'écrivain est difficile".
L'auteur sera particulièrement célèbré cette année, 120e anniversaire de sa naissance, avec de nombreuses manifestations : présentation des films de la Trilogie ("Marius", "Fanny" et "César") sur le Vieux Port de Marseille à la fin du mois d'août, parution de deux de ses œuvres, "La gloire de mon père" et "Merlusse" en bande dessinée cet automne, grande exposition d'objets personnels prêtés pour la première fois par la famille à Aubagne en octobre, présentation de la version restaurée de "Marius" au Festival Colcoa, à Los Angeles.
"Le monde selon Billy Boy" de Gilles Leroy (Mercure de France) 258 pages - 18,50 €
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