Cet article date de plus de douze ans.

« Enfin » la fin pour le Patrick Melrose d’Edward St Aubyn ?

Dans son cinquième ouvrage où il retrouve son alter-ego Patrick Melrose, Edward St Aubyn n’offre aucune rémission à son personnage ou si peu.
Article rédigé par franceinfo - Jérôme Leprêtre
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 2min
Edward Saint Aubyn
 (SIPA PRESS)

Après le décès de son monstrueux père dans « Mauvaise nouvelle », c’est sa génitrice dont Edward Saint-Aubyn affronte la crémation après lui avoir consacré son quatrième roman : «  Le goût de la mère ».
Depuis son enfance martyrisée et violée par un père d’une cruauté insensée, Patrick Melrose est devenu tour à tour toxicomane, alcoolique, puis tempérant, oisif mondain puis mari (infidèle sans perdre une minute), père, dépressif et alcoolique de nouveau mais s’il y a quelque chose que ce quadragénaire désormais bien sonné n’est toujours pas et ne sera sans doute jamais, c’est heureux et équilibré.

Les souffrances de l’enfant sont devenues celles de l’adulte toutefois les jérémiades introspectives de l’auteur (car Melrose n’est jamais très loin de St Aubyn lui-même) sont largement adoucies pour le lecteur par le talent inégalé de l’écrivain pour la satire sociale.
Il parle de ce qu’il connaît, l’antique classe dominante britannique, ses fastes terrifiants et ses féroces mesquineries : Egoïsme, cupidité, indifférence à autrui mais attachement maniaque aux rites des privilégiés, le tout parfumé par un indécrottable sentiment de supériorité. A de rares exceptions, l’entourage de Patrick Melrose fait peur à voir.

Dans le récit des obsèques maternelles, la chère disparue n’est qu’un accessoire mondain, le deuil impossible est celui de la fortune qui va de pair avec la position sociale.
Les odieux travers d’une tante un rien désargentée du héros viennent ainsi égayer les funérailles de sa sœur. Après avoir amèrement déploré le choix de la date de la cérémonie : « C’est le mariage du prince Charles aujourd’hui, toutes les autres personnes qui auraient pu venir doivent être à Windsor », on voit la tante Nancy s’emparer avidement de la voiture avec chauffeur d’un de ses amis victime durant la réception d’une attaque cardiaque fatale afin  - dit-elle - de lui rendre service. L’intéressé mourra à l’hôpital dans la journée sans avoir eu vent de la faveur qui lui a été faite…
Quant à Patrick Melrose, insensibilisé de longue date face aux grandes et petites abjections de ses pairs, il incinère sa mère mais aussi sa jeunesse et le poids de son passé.
A défaut d’entrevoir le bonheur, le personnage ne se révèle finalement pas opposé à l’idée d’un avenir et pour quelqu’un comme lui, c’est déjà beaucoup.

« Enfin » d’Edward St Aubyn
234 pages - Editions Christian Bourgois

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.