Des premiers romans coups de cœur et une révélation, Aurélien Bellanger
Dans "La Théorie de l'information" (Gallimard), Aurélien Bellanger, cet ancien étudiant en philosophie et ex-libraire de 32 ans, qui s'avoue "scientifique contrarié", réussit le tour de force de rendre envoûtante l'aventure des nouvelles technologies de l'information, depuis le tout juste défunt Minitel jusqu'au web 2.0 et les réseaux les plus futuristes.
Le héros du roman, Pascal Ertanger, vit à travers les écrans. Personnage inspiré librement de Xavier Niel, fondateur surdoué de Free, venu du Minitel rose et du monde des sex-shops, il est "le plus jeune pornographe de France, plus jeune millionnaire du Minitel, futur tycoon des réseaux télématiques", écrit l'auteur.
L'écriture clinique d'Aurélien Bellanger, sa fascination pour les sciences, ses échappées vers la science-fiction et le sexe moite, ou encore la reconstitution documentée de la France contemporaine, avec sa classe moyenne mais aussi une galerie de personnages réels - Thierry Breton, Jean-Marie Messier ou Nicolas Sarkozy - renvoient irrésistiblement à l'univers de Michel Houellebecq.
Le jeune romancier assume. Il lui a d'ailleurs consacré un essai en 2010 : "Houellebecq, écrivain romantique" (Léo Scheer).
Remarquable aussi, et parfaitement maîtrisée, la structure de "La Théorie de l'information": récit romanesque absorbant, couplé à une fiction délirante, et nourri de langage technique. Et ces barbarismes pour le profane non geek finissent par engendrer sous sa plume une poésie visionnaire...
Des notices érudites, en italique, coupent aussi la trame romanesque. Des digressions également chères à Houellebecq.
La famille, un thème récurrent
D'une bulle à l'autre, Pascal Guillet entraîne lui le lecteur dans l'univers de la finance débridée. Inspiré de sa propre vie, même s'il se démarque d'emblée de son héros, "Branta Bernicla" (Verticales), raconte avec ironie les délires de Simon, trader à Londres, et de ses collègues, folkloriques et pitoyables.
Déferlante rose des années 1980 encore, mais aussi première grande vague des divorces: Carole Fives raconte une séparation dans "Que nos vies aient l'air d'un film parfait" (Le Passage), avec un style percutant et épuré. Un très beau roman sur ces années sauvages, l'enfance, l'amour fraternel, les sentiments et le poids des mots.
Histoires de famille encore pour l'intrigant "Viviane Elisabeth Fauville" de Julia Deck (Minuit). Dans cette intrigue haletante, une quadragénaire assassine son psychanalyste avec un couteau offert par sa mère en cadeau de mariage. De quoi faire transpirer près des divans !
Dans "Dieu n'est pas mort" (Julliard), Samuel Doux s'interroge lui avec une sensibilité à fleur de peau sur le poids des origines. Comment survivre quand sa propre famille n'a cessé, depuis quatre générations, d'être dévastée par l'Histoire ?
Si Lucile Bordes parle aussi dans "Je suis la marquise de Carabas" (Liana Levi) de ses aïeux, elle balaye poncifs et pathos dans ce roman pétaradant et fantaisiste, déclaration d'amour aux saltimbanques du Grand Théâtre Pitou dont elle est l'héritière.
C'est aussi les soubresauts d'une famille, déchirée cette fois par la guerre d'Algérie qui habite "Le couvre-feu d'octobre" de Lancelot Hamelin (Gallimard).
Moins nombreux que l'an dernier (74 en 2011), les nouveaux auteurs de cette rentrée sont surtout masculins. Les trois plus vieux ont vu le jour dans les années 50. La benjamine, Chloé Schmitt, qui publie "Les affreux" (Albin Michel), a 21 ans.
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