"Barracuda" de Christos Tsiolkas : nage libre en eaux troubles
Melbourne a beau être "la ville la plus agréable du monde" (selon le classement du cabinet britannique The Economist Intelligence Unit), chez Tsiolkas, le rêve australien en prend un sérieux coup : une société sclérosée, une échelle sociale à laquelle il manque beaucoup de barreaux… Sous le soleil, chacun à sa place et tout ira bien. L'entre-soi est la règle, gare à celui qui cherche à changer de camp.
Repéré très jeune par les entraîneurs, Danny "Barracuda" Kelly est programmé pour devenir un champion. Une chance inespérée pour lui d'échapper à sa condition, de devenir un autre, un peu moins métèque, un peu moins pauvre, en intégrant une école réservée aux bonnes familles. Sa mère, version grecque de Betty Boop, a tout misé sur lui. Son père, routier australien, n'a pas osé dire non. Jour après jour, toute la famille vit aux rythmes des entraînements, des performances et des sucres lents.
Nageur lui-même, Christos Tsiolkas décrit avec une minutie et un talent exceptionnels l'univers de la natation, cette bataille quotidienne, répétitive et démente pour gagner une poignée de centièmes de secondes.
Drame familial
La ligne d'eau est parfaitement droite, le destin semble tracé. Mais voilà que Danny zigzague, ne supporte plus le corset sportif et social qu'on lui inflige. Il devient violent, refuse de respecter les codes, et s'accepte homosexuel. Il ne sera pas champion, le drame est familial.Dotée de quelques scènes particulièrement crues, "Barracuda" est une œuvre rageuse, psychologiquement violente. En nous révélant très vite que l'aventure du jeune nageur est vouée à l'échec, son découpage entretient une tension absolue. Un grand roman aussi réussi que dérangeant.
"Barracuda" de Christos Tsiolkas (Belfond) – traduit de l'anglais (Australie) par Jean-Luc Piningre – 464 pages – 22,00 € - sortie : 20 août 2015
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