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"Eloge littéraire de Breivik" : Richard Millet défend son pamphlet

Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Temps de lecture : 3min
Richard Millet, l'auteur du très controversé "Eloge littéraire d'Anders Breivik", consacré au tueur norvégien, a revendiqué mercredi "avoir fait un travail d'écrivain". Mais il a reconnu, comme il le fait dans son pamphlet, la "beauté fascinante du Mal" incarnée par les actes du tueur de l'île d'Utoya, près d'Oslo.

"Ce n'est pas le fait de tuer 77 jeunes Norvégiens que j'admire, c'est la façon dont il a préparé ses attentats sans que la police se rende compte de rien (...), la perfection formelle de ses actes", a déclaré l'écrivain et éditeur sur iTélé. "C'est aussi extraordinaire que Ben Laden et les tours jumelles de New York."

"Une beauté fascinante du Mal"
"Il y a là une beauté fascinante du Mal", ajoute Richard Millet. "Dans les actes. Breivik lui est un monstre", dit-il, reprenant des propos de son pamphlet de 18 pages publié ces derniers jours aux éditions Pierre-Guillaume de Roux dans le recueil "Langue fantôme". "Je suis un écrivain et j'ai fait un travail d'écrivain (...). Me traiter de raciste, c'est la tarte à la crème. Je ne suis pas raciste. Etre raciste c'est croire qu'il y a des races supérieures (...), ce n'est pas mon cas. Ce que je n'aime pas, c'est l'idée d'un immense village global."

Richard Millet a reconnu que le titre de son pamphlet, "Eloge littéraire d'Anders Breivik", était "peut-être malheureux". Les gens n'en ont pas "perçu l'ironie", a-t-il supposé.

Ecrivain d'extrême-droite ? "Je ne sais pas ce que c'est, je n'ai jamais voté, je n'ai jamais milité dans un parti", affirme l'auteur qui a semé le désarroi et l'indignation dans le milieu intellectuel français, particulièrement parmi les auteurs de chez Gallimard dont il est membre du comité de lecture.

Le monde des lettres partagé
Auteur d'une cinquantaine de livres, membre du comité de lecture de Gallimard, Richard Millet, 59 ans, a été l'éditeur de Jonathan Littell, Goncourt 2006, et d'Alexis Jenni, Goncourt 2011. "C'est toujours mon éditeur. Je suis concerné au premier chef", dit à l'AFP Alexis Jenni, qui publiera en 2013 un nouveau roman chez Gallimard. "Mais je ne veux pas prendre de position publique sur le sujet", ajoute-t-il. "Millet ne croit qu'à la littérature. C'est un homme qui écrit merveilleusement bien. Ses idées discutables ne réduisent pas ses qualités littéraires."

"C'est la même problématique qu'avec Céline. Il y a une cohérence entre l'oeuvre romanesque et les pamphlets antisémites. Et c'est quelque chose dont on ne sait pas quoi faire..."

D'autres auteurs Gallimard ne prennent pas de gants. Pour Annie Ernaux, ce texte sur Breivik représente "un acte politiquement dangereux" et sa publication remet en cause la présence de Richard Millet dans le comité de lecture. "La question d'une réaction collective est maintenant posée à tous les écrivains Gallimard", réagit la romancière dans Le Monde daté de mardi.

Tahar Ben Jelloun, qui publie "Bonheur conjugal" chez Gallimard, assure : "il perd la tête." "Ce n'est pas la première fois qu'il publie des choses inacceptables", rappelle de son côté Jean-Marie Laclavetine, auteur et éditeur.

Dans l'attente du retour d'Antoine Gallimard
Pour l'instant, les éditions Gallimard restent de marbre en l'absence du grand patron, Antoine Gallimard, pour l'instant en vacances. Il ne s'est pas encore exprimé sur cette affaire. En 2008, il avait déjà décidé de ne plus publier de livres comme "L'Opprobe", dans lequel Richard Millet fustigeait multiculturalisme et immigration.

"Voir un geste esthétique dans le massacre de 77 jeunes Norvégiens, c'est évidemment choquant, obscène", dit à l'AFP l'écrivain et journaliste Pierre Assouline. Mais "l'exclure du débat d'idées en le traitant de fou, de fasciste, revient à en faire un martyr. Un ostracisme qui ne serait pas pour lui déplaire mais ne présente aucun intérêt", estime l'auteur de "Vies de Job" (Gallimard). Millet "est un provocateur mais il ne faut pas le réduire à cela. Il a un projet littéraire, avec une idée globale de la décadence, de la perte de l'identité nationale."

"Sublime, forcément sublime", clamait Duras
En 1985, Marguerite Duras avait aussi provoqué un scandale en publiant son fameux texte sur l'affaire Grégory "Sublime, forcément sublime Christine V.". Elle y justifiait l'infanticide présumé de Christine Villemin par l'oppression millénaire des femmes et affirmait la "souveraineté totale de la littérature".

Richard Millet, le 16 juillet 2012
 (IAFRATE PATRICK/SIPA)
Richard Millet, le 16 juillet 2012
 (IAFRATE PATRICK/SIPA)

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