"Cendrars en toutes lettres" : les coulisses d'une légende
Il y a un peu plus d'un an, la maison d'édition suisse Zoé reçoit le manuscrit de la correspondance de Blaise Cendrars avec Robert Guiette, jeune intellectuel belge, pour qui Cendrars représente "l'esprit nouveau en poésie". L'éditeur rencontre Miriam Cendrars, qui accepte la publication de cette correspondance, à condition de ne pas être isolée. De là nait l'idée d'une collection, qui rassemblerait des correspondances de l'écrivain, rééditions ou publications d'inédits.
Les coulisses d'une légende
En 1912, Frédéric Louis Sauser, qui a déjà publié sous les pseudonymes de Freddy Sausey, Jack Lee ou Diogène s'invente un nom, "Blaise Cendrars". Il n'aura de cesse, toute sa vie, de construire un personnage, une légende, revendiquée comme "l'un des traits caractéristiques du génie" et inscrite dans la chair même de son œuvre littéraire, dont les quatre romans écrits après la seconde guerre mondiale forment une tétralogie de ses mémoires. "L'Homme foudroyé" (1945) " "La Main coupée" (1946), "Bourlinguer"(1948) et "Le Lotissement du ciel" (1949). "Je crois à ce que j’écris, je ne crois pas à ce qui m’entoure et dans quoi je trempe ma plume pour écrire.", écrit Cendrars, plus attaché au sens de son histoire qu'aux faits, ou à leur exactitude.
Et c'est d'ailleurs sous le nom d"Œuvres autobiographiques complètes" que Cendrars entre à la Pléiade en mai prochain. "La collection "Cendrars en toutes lettres" offre une autre vision de Cendrars, inscrite celle-là dans le réel de l'écrivain, complémentaire de l'œuvre autobiographique publiée dans la Pléiade", explique Marlyse Pietri, fondatrice des Editions Zoé. "Lire et comprendre ces lettres ne relève pas de l'indiscrétion, mais du désir de découvrir en profondeur la vocation et l'accomplissement d'un écrivain créateur de son monde", souligne Miriam Cendrars en avant-propos de ces correspondances.
Correspondance Miller/Cendrars : deux hommes "dans leur vrai monde"
Quand Cendrars et Henry Miller se rencontrent en 1934, Cendrars est célèbre, Miller ne l'est pas, mais ils ont en commun une certaine idée de la littérature et de la vie. Cendrars a bourlingué, Miller a vite abandonné ses études et vagabondé dans son pays (il a même été cow-boy en Californie). Cendrars est lui aussi sur la côte est américaine en 1912, et les deux hommes imaginent une rencontre qui n'a jamais eu lieu. Ils se rencontrent plus tard, en 1934. Cendrars reçoit "Tropique du cancer", le lit et décide d'aller directement voir son auteur. Bouleversé par cette rencontre, "peut-être le plus beau moment de ma vie", écrit Miller le soir même à Anaïs Nin, sa compagne. L'émotion est telle qu'il avoue être parti sans dire au revoir. Cendrars devient celui qui l'introduit dans la famille des "grands écrivains".
La correspondance entre les deux hommes commence, et dure jusqu'à la fin de la vie de Cendrars. Elle accompagne le parcours de Miller, de la publication de "Tropique du cancer" en France en 1934 - quelques jours avant leur rencontre- à 1961, trois semaines après la mort de Cendrars, date à laquelle le livre de Miller, interdit pendant 25 ans aux Etats-Unis, y est enfin publié. De son côté, Cendrars mijote ses "récits autobiographiques", qu'il commencera à publier après la guerre. "Grâce à cette correspondance, il nous est permis de découvrir – depuis les coulisses – les cheminements personnels et poétiques de ce tandem exceptionnel. On y observe deux hommes dans leurs vrais mondes", souligne Jay Bochner dans son introduction. Des "échos" : lettres, documents iconographiques viennent enrichir et éclairer cette correspondance.
Les éditions Zoé publieront chaque année deux ouvrages des correspondances de Cendrars. Les deux prochains seront consacrés aux lettres échangées par l'écrivain avec son frère entre 1905 et 1960, et à sa correspondance avec Raymone, sa deuxième femme. Cendrars a entretenu de nombreuses relations épistolaires tout au long de sa vie. Le Fonds des archives de Cendrars est conservé à la Bibliothèque Nationale suisse à Berne.
Blaise Cendrars – Henry Miller Correspondance 1934-1959 "Je travaille à pic pour descendre en profondeur"
Lettres présentées par Christine Le Quellec et Jay Bochner / Traduction des lettres de Henry Miller par Miriam Cendrars
Editions Zoé – 352 pages – 27,50 Euros
Blaise Cendrars – Robert Guiette Lettres 1920-1959. "Ne m'appelez plus…maître"
Lettres présentées par Michèle Touret
Editions Zoé – 192 pages – 19 Euros
A paraître le 15 mai :
Blaise Cendrars, Œuvres autobiographiques complètes Tome I
Édition sous la direction de Claude Leroy avec la collaboration de Michèle Touret - Bibliothèque de la Pléiade, n° 589 - 1088 pages
Blaise Cendrars, Œuvres autobiographiques complètes, Tome II
Édition sous la direction de Claude Leroy avec la collaboration de Jean-Carlo Flückiger, Christine Le Quellec Cottier - Bibliothèque de la Pléiade, n° 590 - 1184 pages
J'ai saigné, Blaise Cendrars, dans la collection Mini Zoé, consacrée à la litérature suisse.
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