Rentrée littéraire : Antoine Gallimard regrette que les éditeurs aient "peu de mois pour sortir les ouvrages"
L'éditeur estime, sur franceinfo, que trop d'ouvrages sortent en même temps à l'occasion de la rentrée littéraire.
Antoine Gallimard, président-directeur général des éditions Gallimard, a regretté, vendredi 31 août sur franceinfo, qu'il y ait autant de livres qui sortent à l'occasion de la rentrée littéraire, et a dit vouloir établir "une certaine régulation".
franceinfo : Il y a 567 livres qui paraissent en France en cette rentrée littéraire. Combien sont édités chez vous ?
Antoine Gallimard : Pour la rentrée, j'ai toujours fait attention à peu publier, car il y a toujours énormément de livres. Nous avons 11 romans français et quatre premiers romans. J'ai souhaité qu'il n'y ait pas de bandeau "rentrée littéraire" : je suis très content qu'il y ait une rentrée littéraire, que l'on puisse parler à franceinfo et ailleurs des ouvrages, et l'on ne peut que se réjouir de cela, mais "rentrée littéraire", ça ne veut pas forcément dire que les ouvrages qui ne sont pas en rentrée littéraire ne sont pas des ouvrages de qualité. Aujourd'hui, il y a deux moments forts : la rentrée de septembre, et la rentrée de janvier-février. C'est une particularité française, sans doute liée aux prix littéraires, mais on peut regretter qu'on ait peu de mois, finalement, pour sortir les ouvrages. Tout le monde veut être en septembre, mais il est vrai que c'est difficile parce qu'il faut faire des choix, et ce n'est pas une garantie de succès. J'ai parfois le sentiment, en mettant un ouvrage en septembre à la demande de l'auteur, de l'envoyer sur un front dangereux d'où il risque de ne pas revenir.
Il y a une forme d'injustice ?
Ça peut arriver. Il y a parfois des ouvrages qui sont totalement oubliés, et un second roman, c'est difficile lorsque le premier n'a pas émergé. Le second roman est aussi un problème : actuellement, on se dit qu'il faut être à la rentrée littéraire, et qu'il faut aimer les premiers romans. Il y en a 94, cette année, c'est un record. Ce qu'il faut, aussi, c'est penser au second roman, parce que c'est cela qui est intéressant : de suivre un auteur, de l'aider à développer une œuvre. Par exemple, nous, nous avons eu un auteur que j'aime beaucoup, qui s'appelle Paul Greveillac. Là c'est son second roman, on le sort à peine et je pense que ça vaut la peine, vu que le premier avait eu un certain succès mais n'avait pas été totalement reconnu. Je pense que c'est bien de donner, le plus possible, une chance aux auteurs. Et le fait qu'il y ait autant d'ouvrages est compliqué pour les libraires, pour les critiques littéraires, voire pour les jurés. Ce qui serait bien, aussi, ce serait de pousser un certain nombre de jurés à faire des prix de printemps. Il y en a, mais c'est aujourd'hui une telle bousculade qu'il y a parfois une injustice d'en oublier certains.
Frédéric Beigbeder parle de la rentrée littéraire comme d'une "maladie française qu'il ne faut surtout pas soigner". On imagine que vous ne partagez pas son avis…
Je pense qu'on peut établir une certaine régulation. Ces rentrées littéraires sont très importantes, mais j'aimerais avoir une rentrée tous les mois. Quand vous pensez qu'en été, qui est un moment privilégié de lecture, il y a très peu de livres, on ne peut pas faire de promotion, c'est dommage. Aujourd'hui il y a deux rentrées, puisque janvier compte aussi, et l'idée de sortir un livre en mai est quasi-impossible. Donc, très bien, c'est une "maladie française", mais c'est une maladie qui devrait être contagieuse sur tous les mois de l'année.
Elle est vitale, tout de même, cette période, pour le secteur de l'édition ?
Pas forcément vitale, mais très importante. Elle est considérée comme le moment où l'on peut vraiment sortir des livres qui sont d'une certaine qualité. C'est là où je m'offusque un peu, en disant que ce n'est pas forcément un synonyme de qualité. Bien sûr que c'est de qualité, mais il y a d'autres moments où il y a des ouvrages de qualité. Il y a une sorte de concentration qui fait que pour les auteurs c'est très difficile, ils peuvent être très malheureux, c'est parfois infantilisant pour eux. Pour les maisons d'éditions, vous ne pouvez pas savoir le stress que nous avons avec nos auteurs.
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