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Prix Nobel de littérature : "C'est une voix et une plume qui m'ont inspirée, guidée, consolée", confie la chanteuse Juliette Armanet

Le prix Nobel de litterature 2022 a été décerné à la Française Annie Ernaux. Ses romans sont "un ouragan dans une vie de femme", estime Juliette Armanet. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Juliette Armanet (RADIO FRANCE / JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT)

"Non seulement c'est une voix et c'est une plume qui m'ont inspirée mais qui m'a aussi aidée, guidée, consolée", confie jeudi 6 octobre sur franceinfo la chanteuse Juliette Armanet après qu'Annie Ernaux a reçu le prix Nobel de littérature. Pour la chanteuse qui a envie "d'ouvrir une bouteille de champagne" il y a "un avant et un après Annie Ernaux dans l'écriture du journal intime".

franceinfo : Est-ce que c'est une voix et une plume qui vous ont inspirée dans votre parcours de chanteuse, d'autrice et de compositrice ?

Juliette Armanet : Non seulement c'est une voix et c'est une plume qui m'ont inspirée mais qui m'a aussi aidée, guidée, consolée et je pense ne pas être la seule à avoir cette sensation. Ça a été un choc esthétique, éthique, un choc de féminité. C'est une autrice qui me bouleverse complètement et qui m'a transformée en profondeur dans ma vie de femme, vraiment.

C'est la langue ou le fond qui vous ont touchée ?

Ce sont les deux. J'ai fait des études de lettres et j'ai travaillé sur la question de l'autobiographie. Je n'avais pas lu Annie Ernaux et quand, d'un seul coup, j'ai lu "Les Années", cette manière de raconter que la liberté est une forme d'illusion et qu'on est tous dépendants finalement des circonstances. Dans ce livre, elle ne parle jamais d'elle, elle parle du monde autour d'elle et elle raconte qu'on est le fruit aussi de ce qui existe autour de nous. C'est un constat terrible pour nos égaux parce qu'on a tous la sensation d'être libres et en même temps je trouve que c'est magnifique de toujours replacer nos identités dans un contexte. Et puis, cette façon de parler de soi sans parler de soi, d'une manière à la fois impitoyable et incroyablement romantique, ça m'a complètement bouleversée, c'est un geste d'écriture totalement novateur. La façon dont elle se raconte et ce qu'elle raconte d'elle : sa sexualité, l'avortement, ses désirs, sa mère, son père, tout est tellement nouveau et puissant qu'on ne résiste pas à Annie Ernaux. C'est un ouragan dans une vie de femme et d'homme, j'imagine.

Certains ont dit qu'elle avait inventé l'autobiographie impersonnelle ?

Elle raconte comment elle est venue à l'écriture. Elle a cherché longtemps. Elle s'est longtemps autocensurée. Je pense qu'elle avait aussi une quête de forme. C'est pour ça que ça a pris du temps sans doute dans son parcours. Le récit qu'elle voulait raconter devait être lié à une certaine forme d'écriture et cette forme-là est presque comme un manifeste un peu surréaliste. Il y a un avant et un après Annie Ernaux dans l'écriture du journal intime, c'est une évidence.

Concernant ce prix Nobel, est-ce que - selon vous - toutes les femmes qui écrivent peuvent revendiquer un bout de cette récompense ?

Peut-être. En tout cas – pour elle – je suis contente que ça arrive de son vivant. On a tendance à donner les honneurs trop tard. C'est un panthéon de la littérature. C'est aussi une reconnaissance pour les lectrices. Je ne sais pas si Annie Ernaux cherchait ça, ni ce qu'elle ressent de ça mais moi, en tant que lectrice, je ressens une fierté pour elle et pour le fait de se dire que cette écriture-là – qui a touché autant de femmes – puisse être adoubée. J'ai presque envie de sortir une bouteille de champagne.

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