"Le monde est mourant et nous sommes incapables de le remarquer", alerte l'écrivaine Olga Tokarczuk dans son allocution pré-Nobel
Olga Tokarczuk et Peter Handke, lauréats du Nobel de littérature 2018 et 2019 (remis les deux cette année), ont prononcé chacun samedi soir, 7 décembre, une allocution préalable à la remise de leur prix mardi 11 à Stockholm.
L'écrivain autrichien Peter Handke, prix Nobel de littérature 2019 et la Polonaise Olga Tokarczuk, lauréate 2018 (le prix avait été reporté d'un an) ont dû prononcer samedi 7 décembre, une "allocution préalable" à la remise du prix. Les deux lauréats, tout comme ceux des Nobel de médecine, chimie, physique et économie, recevront leurs prix mardi 11 décembre des mains du roi de Suède, Carl XVI Gustav.
Aucun journaliste n'était autorisé à assister aux allocutions prononcées dans la majestueuses salle de la Bourse au premier étage de l'Académie suédoise, qui décerne les prix. Ceci "pour des raisons de sécurité", a affirmé à l'AFP une source proche des organisateurs. Les interventions étaient retransmises en direct sur le site de la Fondation Nobel.
Peter Handke évite la polémique sur ses positions pro-serbes
La "lecture" de l'écrivain autrichien, rattrapé la veille lors d'une conférence de presse par la polémique sur ses positions pro-Serbes pendant les guerres dans l'ex-Yougoslavie, a évité soigneusement toute controverse. Peter Handke a consacré sa "lecture" à la place des souvenirs dans son oeuvre.
En se concentrant sur ses réminiscences littéraires et le rôle prépondérant des récits de sa mère, l'auteur de 77 ans, très ému lors de la lecture de son texte, a fait le choix de ne pas répondre aux critiques. L'écrivain a émaillé son intervention de références littéraires et l'a clôturé par un poème du lauréat 2011, le Suédois Tomas Tranströmer.
Le 6 décembre Handke avait dit aimer "la littérature, pas les opinions", comme pour faire taire définitivement la polémique. Celle-ci aurait presque éclipsé la lauréate 2018 Olga Tokarczuk, psychologue de formation et engagée politiquement à gauche, écologiste et végétarienne, qui est la quinzième femme à recevoir la prestigieuse récompense depuis sa création en 1901.
Olga Tokarczuk évoque un monde "mourant"
La Polonaise Olga Tokarczuk a choisi, elle, d'évoquer une vision sombre d'un monde "mourant", perdu dans les mirages de l'autofiction. Sa lecture, également lue derrière des portes closes, a déploré le nombrilisme de chacun, obsédé par l'auto-promotion et regardant le monde "par pièces, séparées les unes des autres, par petits bouts qui sont autant de galaxies éloignées les unes des autres".
Pour l'écrivaine de 57 ans, vêtue d'une longue robe noire, "le monde est mourant et nous sommes incapables de le remarquer", obnubilés par notre propre mise en scène. Selon elle, il importe de trouver un nouveau type de narration. "Est-ce qu'il pourrait y avoir une histoire qui irait au-delà de cette prison non-communicative qu'est le moi, révélant une réalité plus variée et montrant les connections mutuelles ?", s'interroge Tokarczuk, persuadée de la nécessité de se redéfinir.
"Le mieux pourrait être de raconter des histoires honnêtement d'une manière qui (...) avive la capacité du lecteur à unir des fragments dans un projet commun", a-t-elle conclu.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.