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Prix Femina 2017 "La Serpe", de Philippe Jaenada : "La littérature permet de creuser sous les apparences"

Le prix Femina 2017 a été décerné à Philippe Jaenada pour son roman "La serpe" (Julliard), un pavé sur un triple meurtre inspiré par l'histoire de René Girard, que le romancier réhabilite. Philippe Jaenada s'est dit très "heureux et touché" par ce prix décerné par des femmes.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Philippe Jaenada, Prix Femina pour "La serpe" (Julliard), 8 novembre 2017
 (Laurence Houot / Culturebox)

Les dames du Femina ont cette année pris leur temps. Il était 13 heures bien sonnées quand la porte du salon où elles avaient délibéré et déjeuné s'est enfin entrouverte. Entre temps, l'information avait déjà été twittée mais qu'importe. Danièle Sallenave annonce avec joie la nouvelle : Philippe Jaenada, 53 ans, est le lauréat 2017 avec son roman "La serpe" (Editions Julliard),  élu au 5e tour par 6 voix contre 4 à Véronique Olmi ("Bakhita", Albin Michel).

Philippe Jaenada, arrivé rapidement pour recevoir son prix, se dit très touché, particulièrement par un prix remis par un jury de femmes.

Après "La petite femelle", son précédent roman où l'écrivain-justicier réhabilitait Pauline Dubuisson, condamnée lourdement en 1953 pour le meurtre de son petit ami sans bénéficier de circonstances atténuantes, Philippe Jaenada s'est cette fois penché sur un triple meurtre commis à coups de serpe dans un château de Dordogne en octobre 1941.

Le fils de famille Henri Girard est désigné comme l'assassin, mais il est acquitté lors de son procès en 1943. Le soupçon lui collera pourtant toujours à la peau.  Henri Girard a ensuite dilapidé l'héritage familial. Il quitte la France pour l'Amérique du Sud d'où il rentre avec le manuscrit du roman "Le salaire de la peur", qu'il publie sous le nom de Georges Arnaud.

Henri Girard, alias Georges Arnaud (1978), auteur du "Salaire de la peur"
 (ULF ANDERSEN / Aurimages)

Le livre est adapté en 1953 au cinéma par Henri-Georges Clouzot, avec Yves Montand et Charles Vanel, puis par William Friedkin en 1977, sous le titre "Sorcerer, le convoi de la peur", avec Roy Scheider et Bruno Cremer. Henri Girard a ensuite mené une vie de militant, luttant notamment contre la vétusté des prisons.

"Tanné" par le petit-fils d'Henri Girard

"Si j'ai écrit ce livre c'est parce qu'un ami, Emmanuel, me tannait depuis dix ans pour que je raconte la vie de son grand-père, c'est le petit-fils d'Henri Girard", raconte Philippe Jaenada. C'est en se plongeant dans les archives, en se rendant sur les lieux du crime qu'il a finalement décidé de prendre la plume pour prouver qu'Henri Girard était bien innocent du crime dont on l'a accusé.

"Je me suis rendu compte que la vie d'Henri Girard était une vie absolument passionnante et porteuse de beaucoup de sens et d'émotions", poursuit le romancier, qui dit avoir aussi été particulièrement touché, aux larmes parfois, par l'amour d'Henri Girard pour son père. "Au milieu de ce sang de ce carnage, de cette barbarie, il y a un petit noyau d'amour filial", souligne-t-il.

"Creuser sous les apparences"

Le romancier confie que cette histoire réunit tout ce qu'il aime, et surtout cette "différence entre la surface et ce qui est en dessous". "Dans la vie de tous les jours on est confronté sans arrêt à des apparences, on n'a pas le temps ni l'énergie de creuser derrière. Mais l'avantage de la littérature c'est qu'on a beaucoup de temps", souligne-t-il. "J'ai passé deux ans 7 jours sur 7 et 52 semaines par an sans arrêt pour aller chercher ce qu'il y a derrière les apparences". Un travail qui lui a fait découvrir un "bon gars" derrière l'image d'un personnage noir et cynique. "Aujourd'hui, je lle prendrais bien dans mes bras, je lui tapoterais bien sur les omoplates au petit Riri", confie le romancier, visiblement ému.

Pour Danièle Sallenave, le roman de Philippe Jaenada l'a emporté parce que c'est "une enquête très précise et et drôle, malgré le caractère terrible de l'affaire elle-même".

Les dames du Femina ont choisi pour le prix du roman étranger "Ecrire pour sauver une vie, le dossier Louis Till" (Gallimard), du romancier américain John Edgar Wideman.

Jean-Luc Coatalem, déjà Prix de la langue française, a remporté le Femina Essais avec "Mes pas vont ailleurs" (Stock) qui revient sur la figure de Victor Segalen, explorateur, médecin militaire, romancier et poète, auteur notamment de "Stèles" et des "Immémoriaux", mort dans des circonstances mystérieuses en 1919 à l'âge de 41 ans.

Pour la première fois, le Femina a remis un prix spécial pour l'ensemble de son oeuvre à Françoise Héritier, qui vient de publier "Au gré des jours" (Odile Jacob).
 

"La Serpe" de Philippe Jaenada : 1re de couverture
 (Julliard)

"La serpe", de Philippe Jaenada (Julliard - 648 pages - 23 €)

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