Porté disparu, prix Goncourt et acteur : la vie de l'insaisissable Michel Houellebecq
Le romancier joue dans deux films, curieusement autobiographiques, comme l'ensemble de sa bibliographie.
Dépressif, accro à la cigarette, de plus en plus marqué physiquement, Michel Houellebecq ressemble aux personnages de ses livres. L'auteur de La Carte et le territoire ou des Particules élémentaires, le plus célèbre des écrivains français vivants, cultive même cette ambiguïté entre sa propre existence et la fiction. A l'affiche, mercredi 10 septembre, de Near Death Experience, un film signé Benoît Delépine et Gustave Kervern, Houellebecq interprète quasiment une version antérieure de lui-même. Soit un quinquagénaire, salarié dans le tertiaire, victime d'un burn-out, qui pète les plombs, quitte sa famille et s'enfuit en vélo.
Curieuse coïncidence, Houellebecq lui-même a été un employé malheureux. Dans Extension du domaine de la lutte, son premier roman, l'auteur racontait à travers son narrateur sa précédente carrière d'informaticien dans l'administration française, au ministère de l'Agriculture, puis à l'Assemblée nationale.
Inspiré d'une histoire vraie
Near Death Experience est, assure le coréalisateur Gustave Kervern dans Le Monde, inspiré "d'un article qu'on a lu dans Le Parisien, il y a environ quatre ans. L'histoire d'un homme qui part dans la montagne pour se suicider, qui n'y arrive pas, qui erre cinq mois, et qui finit par rentrer chez lui. Ça nous avait drôlement marqués." Une fugue dont l'écrivain vedette pourrait très bien être capable, lui qui admet quelques penchants suicidaires.
Le Serge Gainsbourg de la littérature française
Grandeur et décadence
A l'époque, il multiplie les polémiques, en déclarant, ivre, lors d'un entretien pour la promotion du roman : "La religion la plus con, c'est quand même l'islam." Il poursuit : "Quand on lit le Coran, on est effondré... effondré ! La Bible, au moins, c’est très beau, parce que les juifs ont un sacré talent littéraire." Des déclarations qui lui valent un procès, dont il sort finalement relaxé. Un peu après, il commence à fréquenter Claude Vorilhon, plus connu sous le nom de Raël. Une expérience avec le gourou – qui pense que la vie est due à une peuplade extraterrestre – dont il s'inspirera pour La Possibilité d'une île.
Difficile de savoir ce qui se passe dans la tête de Michel Houellebecq. Depuis cette époque, l'auteur s'est manifestement calmé. S'il est toujours aussi illuminé, il se fait moins provocateur. Les effets de l'âge, 58 ans, peut-être. Tout au plus provoque-t-il de micro-tollés en s'exilant en Irlande "pour des raisons fiscales". Mais il est revenu vivre en France, à Paris, et assume : "Non, je ne suis pas de gauche parce que je suis parti en Irlande", dit-il dans le magazine GQ. Ou en recopiant des extraits de pages Wikipédia dans La Carte et le territoire. Mais ce plagiat n'est, selon lui, qu'une démarche littéraire ancestrale, d'autant moins condamnable que Houellebecq s'évertue à raconter la société post-moderne, à l'instar d'un Bret Easton Ellis.
Un dandy en parka
Le 8 novembre 2010, lorsqu'il obtient le prix Goncourt, résultat de son relatif assagissement, Michel Houellebecq lâche, cité par Vanity Fair : "Si je n’avais pas eu ce prix, il y aurait eu de l’énervement en France, et ce n’est pas souhaitable. Notre pays n’en a pas besoin. J’étais devenu une grande cause, comme les bébés phoques. Il fallait sauver le Goncourt de Houellebecq." Grâce au lobbying de ses amis, l'écrivain a ainsi modifié son image : le narrateur clinique s'est fait plus sympathique aux yeux de certains. "On a envie de le prendre dans ses bras", résume une de ses ex dans le magazine.
Alors, qu'est-ce qui rend Houellebecq si touchant ? C'est probablement le personnage d'adulte blessé, abandonné ou presque, lorsqu'il était enfant, par ses parents, avec lesquels il entretient des relations extrêmement conflictuelles. Aussi a-t-il repris le patronyme de sa grand-mère, née Houellebecq, plutôt que de garder son nom d'origine : Michel Thomas. Michel Houellebecq renvoie l'image d'un monsieur Tout-le-monde, divorcé, toujours affublé d'une parka, d'un jean vieillot et d'une chemise trop large. Jean Claude Vannier, avec qui il a travaillé sur un album, y voit "une sorte de dandysme", dans Vanity Fair. Sensible, Michel Houellebecq regrette son chien, Clément, un welsh corgi, mort en mars 2011, un événement dont l'écrivain a du mal à se remettre.
Et puis, il y a l'humour de Michel Houellebecq, capable de se moquer de lui-même. "Un pessimiste conservateur, comme moi, n’essaie pas de maximiser les gains mais de minimiser les pertes, déclare-t-il dans GQ. Je suis totalement comme ça. Par exemple, en 1789, j’aurais été contre la Révolution, je me serais dit : 'Oulala, c’est des complications...' En 1990, en Russie, j’aurais été pour le communisme parce qu’autant rester comme on est, c’est plus simple." Et il en faut, c'est sûr, de l'autodérision, pour figurer à l'affiche de Near Death Experience et L'Enlèvement de Michel Houellebecq.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.