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Michel Tournier, germaniste accompli et "ami critique" de l'Allemagne

Des parents professeurs agrégés d'allemand, quatre années passées en Allemagne dans sa jeunesse, des études de philosophie à l'université de Tübingen... Germaniste accompli, Michel Tournier considérait l'Allemagne comme une "partie de lui-même" mais se disait "ami très critique" de ce pays.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Michel Tournier en 1972.
 (AFP)

L'enfance, disait-il, "m'a donné une éducation extrêmement politique".

L'Allemagne, présente dès l'enfance

Il pensait à son père, "gueule cassée" de la Grande guerre, qui avait reçu une balle en pleine figure en août 14 : "J'ai eu devant moi, toute ma vie, un père qui avait une mâchoire abîmée et j'en étais fier".

Mais il faisait aussi référence aux quatre années qu'il avait passées, jeune, en Allemagne. Il a 9 ans quand les nazis prennent le pouvoir et 14 quand  la guerre éclate. A 20 ans, en 1944, il retourne en Allemagne, ce "morceau de ruines  fumantes", qu'il voit "renaître".

Il étudie la philosophie à l'université de Tübingen, où il rencontre le futur auteur du film "Shoah" Claude Lanzmann, et où il reçoit la visite de son copain, le philosophe en devenir, Gilles Deleuze. S'il lit Novalis ou Kleist, il se passionne surtout pour Kant et Hegel. Il  rentre à Paris pour passer l'agrégation de philo. C'est l'échec. Il en souffrira.

"Lettres parlées à son ami allemand Hellmut Waller" 

Il y a quelques mois, Michel Tournier a publié une passionnante correspondance de trente ans (1967-1998) avec son ami et traducteur allemand Hellmut Waller. Ces "Lettres parlées à son ami allemand Hellmut Waller" (Gallimard) sont la transcription des bandes magnétiques que les deux amis s'échangent régulièrement depuis qu'ils ont fait connaissance en 1946.
  (Gallimard)

"Nous avons pris l'habitude de correspondre par bandes magnétiques, procédé qui présente l'avantage de transmettre les bruits de la vie, les cloches de Choisel (où vivait Michel Tournier, ndlr) ou les cris d'enfants devant la maison", explique l'écrivain au Figaro.

Michel Tournier, amoureux de la langue allemande - "je dois être le seul Français à posséder les oeuvres complètes de Kant en allemand, que j'ai achetées à Paris pendant l'Occupation", dit-il - continue de parler allemand "tous les soirs avec une certaine Karen Bucher qui me téléphone de Suisse depuis des années". Il précise : "Pendant dix minutes, elle me raconte sa journée, je lui raconte la mienne. Mais je ne l'ai jamais rencontrée". Par une curieuse coïncidence, en allemand, Bücher est le pluriel du mot livre.

Une relation "d'amour-haine" avec l'Allemagne

Sans ses relations "d'amour-haine", selon sa formule traduite de l'allemand Hassliebe, avec l'Allemagne, Michel Tournier n'aurait pas écrit un de ses grands livres, "Le roi des Aulnes" (1970). Pour sa documentation, il lit les 42 volumes des minutes du procès de Nuremberg. "C'est tout le problème de la guerre que je rassemble dans le personnage de l'ogre, pas n'importe quelle guerre, mais celle de 39-45, avec le racisme et le nazisme, entreprise particulièrement ogresse, mangeuse de jeunes", a-t-il expliqué.

L'ogre est un personnage "qui existe dans notre voisinage et peut-être en nous", ajoutait-il alors que des critiques lui ont reproché son ambiguïté à l'égard de "la Grande Allemagne" et son culte de l'ordre et des muscles.

Une "réunification très mal faite"

Membre de l'Académie des arts de Berlin-est, il noue des relations avec le président de la RDA Erich Honecker et le dirigeant des services de renseignement Markus Wolf. Michel Tournier fait partie en 1988 du Haut conseil culturel franco-allemand et, en 1992, reçoit la médaille Goethe à Weimar qui récompense ceux qui favorisent les échanges culturels bilatéraux.

Il considère que "la réunification s'est très mal faite" : "Les alliés américains, anglais et français ont traité l'Allemagne de l'ouest moins brutalement que l'Allemagne de l'est, qui a été traitée en pays conquis, écrasée, épurée et humiliée". Michel Tournier a souvent dit qu'il était pour la réunification mais pas "par effondrement de la RDA et dévoration de l'est par l'ouest". 

La "légèreté" dans Mozart, Hölderlin ou Heine...

Dans son essai, "Le bonheur en Allemagne ?" (2006), il relevait, non sans  humour, que chaque peuple se réclame des vertus dont il s'estime dépourvu : "l'Allemand se veut méthodique et travailleur. Or, les salariés ont la semaine de travail la plus courte du monde et battent tous les records d'absentéisme". 
  (Maren Sell editeur)
D'après lui : "les qualités de légèreté et d'élégance que revendiquent les Français, on les trouve, dans la musique de Mozart, chez Hölderlin, Heine ou dans les châteaux et les églises baroques de Souabe et de Bavière".

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