Loïk Le Floch-Prigent, "le Mouton noir" se raconte dans un livre
Commissions, rétrocommissions, contrats pétroliers, vente de frégates à Taïwan, Alfred Sirven, Roland Dumas, Christine Deviers-Joncour… Evoquer l’affaire Elf, c’est faire ressortir des noms et des mots dont tout le monde a entendu parler à un moment ou un autre, en s’y perdant parfois tant les révélations et rebondissements furent nombreux et les ramifications multiples, des grands patrons de l’industrie française aux hommes politiques français et africains.
L’affaire Elf éclate en 1994 suite à une enquête de l’ancêtre de l'Autorité des marchés financiers actuelle (la commission des opérations boursières), sur le financement (plus précisément le renflouement à perte) de l’entreprise textile Bidermann, par Elf, entre 1989 et 1993.
Eva Joly, alors juge d’instruction, va découvrir que l’entreprise publique a été "délestée" de plus de 300 millions d’euros par ses cadres dirigeants, essentiellement durant le second septennat de François Mitterrand. Un vaste système de corruption, mis en place dès la création de Elf en 1967, a permis l’enrichissement des principaux cadres de la société et la rémunération de dirigeants africains.
Loïk Le Floch-Prigent fut à la tête d’Elf de 1989 à 1993, mais quand l’affaire éclate, il est alors président en exercice de la SNCF. Cela ne l’empêchera pas d’être mis en examen pour abus de biens sociaux, recel et abus de confiance. La suite ? On la résumera en rappelant que l'affaire Elf représenta 17 ans de procédures avec de nombreux procès « à tiroirs ». Au bout du compte, et après 28 mises en examen, Loïk Le Floch-Prigent sera condamné en 2003 à cinq ans de prison ferme et 375 000 euros d’amende.
En 2006, cette affaire inspira un film à Claude Chabrol, « L’ivresse du pouvoir » avec François Berléand dans le rôle du chef d’industrie et Isabelle Huppert dans celui de la juge opiniâtre.
Le petit Breton devenu PDG de grandes entreprises
Rien de prédestinait Loïk Le Floch-Prigent à connaître une telle destinée. Né à Guingamp, fils d’un pédiatre et directeur de l’hôpital de la ville, le jeune Loïk aurait soit dû devenir médecin comme le voulait son père, soit reprendre le bar-tabac de son oncle (chez les Le Floch, cette « faveur » était réservée à l’aîné de chaque génération). Mais non. Ne supportant pas la vue du sang et étant encarté au Parti Socialiste (l’oncle n’a pas apprécié), le jeune Loïk, plutôt bon élève, intègre l'Institut national polytechnique de Grenoble.
"Le Plouc Fringant"
Ingénieur à la Direction générale de la recherche scientifique et technique, il gravit tous les échelons puis rencontre Pierre Dreyfus, alors patron de Renault. En 1981, devenu ministre de l'Industrie de François Mitterrand, Dreyfus fait de Loïk Le Floch-Prigent son directeur de cabinet. Puis il pousse sa candidature à la tête du groupe chimique et pharmaceutique Rhône-Poulenc, qui vient d’être nationalisé. A 39 ans, sans expérience industrielle et surtout sans être sorti de Polytechnique ou de l’Ena, Le Floch-Prigent devient PDG d’un des fleurons de l’économie française. Insupportable pour certains qui le surnomme alors "Pink Floch" ou "Le Plouc Fringant". C’est à ce moment que Mitterrand le surnomme le « Mouton Noir ».
Aujourd’hui encore, le mouton noir a du mal à se faire oublier. L’affaire Elf lui colle à la peau mais pas seulement. En 2012, il est accusé de «complicité d'escroquerie» par l'Emirien Abbas al-Youssef. Le Floch-Prigent est alors incarcéré à Lomé au Togo où il purge cinq mois de prison et une amende de 50 000 euros avant d’être libéré pour des raisons de santé en mai 2013.
« Le mouton noir - 40 ans dans les coulisses de la République » par Loïk Le Floch-Prigent aux Editions Pygmalion - 323 pages – 20 euros
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