Les recettes d’écriture de Dany Laferrière
Ce livre au drôle de titre s’adresse aux amoureux de la littérature, rédigé par l'un d'entre eux. Ecrire (un peu partout), et lire, dans son lit (en pyjama) ou dans son bain, sont les passions indissociables de l’écrivain haïtien, canadien d’adoption. Plus que des passions d’ailleurs : une exigence vitale et quotidienne. « Après deux jours je suis en manque », avoue-t-il.
A son neveu, qui souhaite écrire, ou au lecteur, Danny Laferrière prodigue ses conseils, d’expert, il faut le reconnaître, qu’il ponctue de délicieux aphorismes. « On écrit dans la pénombre d’une petite chambre avec une fenêtre qui donne sur la vie » ; « Visez le cœur du lecteur, même si on sait que c’est avec la tête qu’il lit » ; « On lève la tête vers le ciel pour chercher l’inspiration alors que la vie grouille autour de nous »…
Au cœur de l’acte d’écrire
En 182 petits chapitres, le romancier fait partager son amour de la littérature, en appelant aussi bien aux grands auteurs classiques qu’aux écrivains contemporains. Il parle également de lui, de son enfance en Haïti, de sa mère et de son parcours d’écrivain : « C’est moi ce long roman qui se décline en plusieurs séquences. Dans mon cas c’est un monologue qui dure près de trente ans. Pendant toutes ces années, j’ai joué à mettre ensemble ces vingt-six lettres de l’alphabet afin d’exprimer le plus nettement possible ma vision des choses. »
L’ouvrage est passionnant, il se lit comme un bon roman et va au cœur de l’acte d’écrire, dans la psychologie intime de l’écrivain, qui n’hésite pas à confier ses doutes, ses joies, ses angoisses, ses envies… Avec des digressions ou des anecdotes concernant des auteurs qui ont compté dans l’odyssée littéraire de Laferrière.
Le résultat est un « journal » peaufiné, au style abouti et maîtrisé du début à la fin. Les vade-mecum sont en général ennuyeux, celui-ci se lit avec délectation.
"Journal d’un écrivain en pyjama" de Dany Laferrière (Grasset) - septembre 2013 – 315 pages – 19 euros.
Extraits
9. Le temps "Le roman exige quelque chose que ce siècle ignore : la patience. C'est une époque de sprinters qui mesurent le temps en secondes, tandis que le roman exige des qualités de marathonien."
11. Point de fuite "Dès mon premier livre, j'ai su que j'étais un écrivain primitif. Mon but était d'annuler l'esprit critique du lecteur en l'intoxiquant de saveurs, d'odeurs et de couleurs. Jusqu'à lui donner l'impression que je le pénètre autant qu'il me pénètre."
174. Une pure joie "On doit danser sans se soucier de ceux qui nous observent. Pour écrire, il faut sauter à la corde avec ses phrases. Ne pas hésiter à entrer dans l'action. Ca marche quand vous sentez qu'il n'y a plus que vous et l'écriture. On trouve son rythme en accordant la musique à sa nature profonde. Et c'est cela qui s'imposera au lecteur quand votre sujet n'intéressera plus personne."
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