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Les manuscrits d'Henry de Monfreid : un trésor dispersé aux enchères
Aventurier, contrebandier et flibustier, Henry de Monfreid fut tout cela mais également un authentique écrivain, auteur de quelque 70 ouvrages. Une centaine de ses manuscrits sont mis à l'encan mercredi chez Artcurial.
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Un trésor évalué à 200 000 euros
Ces manuscrits, une grande partie de son travail d'écrivain, sont restés jusqu'à ce jour chez les ayants droit d'Henry de Monfreid, disparu en 1974 à l'âge de 95 ans. Ce trésor, estimé au total à environ 200.000 euros."Ces manuscrits autographes et dactylographies corrigées, certains agrémentés de cartes ou de croquis restés inédits, sont infiniment précieux pour mieux appréhender une oeuvre aussi foisonnante que celle d'Henry de Monfreid", souligne Guillaume Romaneix, spécialiste Livres et manuscrits chez Artcurial.
"Un ensemble d'une telle densité montre le colossal travail d'écriture accompli par Henry de Monfreid, et permet de pénétrer dans l'intimité créatrice de cette oeuvre inclassable." Certains ouvrages apparaissent sous plusieurs versions, du premier brouillon à la dactylographie de la version finale.
Des textes d'un seul jet
C'est ainsi que sont proposés six états de "L'esclave du batteur d'or", une histoire d'amour épique entre deux jeunes Somalis, dont le premier connu, sous forme manuscrite, et la dactylographie définitive portant des corrections de l'auteur et des indications typographiques de l'éditeur. Mais parfois, le texte est d'un seul jet. C'est le cas du récit "La Croisière du hachich" (1933), représenté par un unique manuscrit estimé entre 10.000 et 15.000 euros.Les premiers brouillons sont parfois rédigés sur du papier de récupération, à l'en-tête par exemple de l'industriel italien Repici de Djibouti ou sur des pages destinées au manifeste de chargement du boutre l'Altaïr. Manquent à l'appel les manuscrits de ses deux premiers romans, "Les secrets de la mer Rouge" (1932) et "Aventures de mer" (1932), cédés à la Bibliothèque national de France (BnF).
Outre les manuscrits de ses romans, on trouve des essais historiques et journalistiques, des récits autobiographiques... Les textes s'étirent du début des années 1930 à la fin des années 1960. Né en 1879, Henry de Monfreid a hanté les côtes de la Corne de l'Afrique pendant une quarantaine d'années. C'est sous l'impulsion de son ami Joseph Kessel, venu enquêter sur les marchés d'esclaves en Ethiopie au début des années 1930, qu'Henry de Monfreid se met à écrire. Il avait alors plus de 50 ans.
Une vie "hors-série"
Puisant son inspiration dans le capital de quarante ans de vie africaine, Henry de Monfreid a eu une vie "hors-série", résume Guillaume Romaneix, celle d'un marginal férocement épris de liberté, coureur de mer, prodigieusement téméraire et inventif. Joseph Kessel décrit ainsi Monfreid dans son livre "Marché d'esclaves": "Sans doute une ascendance mêlée, une misanthropie naturelle, un sang de contrebandier, un amour passionné de la mer avaient formé chez lui un appétit inconscient, furieux d'aventure et de solitude...".Avant l'Afrique, il a enchaîné les petits boulots et les déconvenues. Il sera successivement colporteur, chauffeur de maître, contrôleur de lait chez Maggi. Il achète un élevage de volailles, mais les poulets meurent. Il investit dans une petite laiterie près de Melun, mais la Seine déborde et les installations sont inondées.
En 1911, il décide de partir sous d'autres cieux. "A trente ans, écoeuré des éternels recommencements de l'existence paisible, je m'affranchis du troupeau et m'enfuis vers les contrées dites sauvages...", raconte-t-il dans "L'envers de l'aventure". D'abord en Ethiopie puis, en 1913, à Djibouti. Il sera tour à tour pêcheur de perles, trafiquant d'armes, de hachich et de cocaïne.
Durant la guerre, il soutient les Italiens. Fait prisonnier par les Britanniques, il sera envoyé au Kenya avant de rentrer en France en 1947. L'aventure est terminée, l'écriture continue. Parmi les pépites dispersées chez Artcurial, on trouve le manuscrit autographe de "La Poursuite du Kaïpan", fabuleux récit d'une poursuite d'un vapeur ayant dérobé 12 tonnes de haschich (4.000/6.000 euros).
La quasi-totalité des Contes et aventures de l'écrivain-voyageur est représentée dont "Le roi des abeilles" (3.000/5.000 euros). On trouve aussi "Les derniers jours de l'Arabie heureuse" dont le manuscrit autographe du reportage fut publié dans le journal L'Intransigeant en 1935 (2.000/3.000 euros).
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