Les caricatures de Mahomet face à la liberté d'expression
Cette notion, qui fait même l’objet de l’article premier de la Constitution américaine, dominait les commentaires des internauts, tels celui mis en ligne sur Twitter : "Je déteste Charlie Hebdo mais je milite pour leur liberté d'expression. C'est ça la République démocratique".
Sur Facebook comme sur Twitter, opposants et soutiens de Charlie Hebdo publiaient des centaines de commentaires évoquant ces nouvelles caricatures, parfois avec des propos très violents. La page Facebook de l'hebdomadaire mise en ligne mardi soir avec la Une du journal comptait à 10h00 près de 1.700 messages contre 940 deux heures plus tôt.
"J'aime Charlie Hebdo quand il se moque du Pape ou de l'Islam. Parce que la critique des religions est indispensable à la démocratie", commentait un autre."Soutien à Charlie Hebdo. Devons-nous accepter le chantage à la terreur dès qu'une critique ou caricature touche leur religion ?", réagissait une jeune Lyonnaise sur Facebook.
Mais pour d'autres, "la liberté de la presse a bon dos pour faire vendre du papier". "Il y avait la liberté d'expression, là, Charlie Hebdo, vous venez d'inventer la liberté d'être con !", estime un autre twitto.
Et certains étaient encore plus virulents: "Donc Ayrault conseille de porter plainte contre Charlie Hebdo... J'envisage les bennes à vomi en fait". "Provocateurs, cyniques et bêtes surtout. Les salafistes et Charlie hebdo étaient faits pour s'entendre", jugeait un adepte de Facebook.
Le Web s’enflamme
Incident technique, trop grand nombre de requêtes, acte de pirates, les raisons du blocage du site de Charlie Hebdo n'étaient pas connues dans l'immédiat. Quelques heures plus tard, le directeur de Charlie Hebdo, Charb, a annoncé que le site de l'hebdomadaire, était "bloqué car il a été piraté". "Apparemment, c'est une attaque encore plus massive qu'en 2011" , a-t-il ajouté. Dans ce contexte, le journal a remis en service le blog ouvert en 2011 lors du précédent blocage.
En novembre 2011, après la publication d'un numéro spécial baptisé "Charia Hebdo" avec Mahomet comme "rédacteur en chef", les locaux du journal satirique avaient été incendiés et le site internet du journal piraté.
Aussi, l’ironie n’était pas absente des commentaires, comme le reflète celui d’une jeune internaute : "Vous avez des travaux à faire chez vous mais pas un rond ? Demandez à Charlie hebdo de transférer ses bureaux chez vous". "En fait, les locaux de Charlie Hebdo ne leurs plaisent plus, ils veulent déménager sans frais. Ça cramera cette nuit", annonce un autre.
Les brûlots antireligieux ne sont pourtant pas nouveaux, tous cultes confondus. Le XIXe et le début du XXe siècle ont ainsi vu une déferlante anticléricale particulièrement virulente, avec certains titres, comme « La Calotte » uniquement consacrés au sujet. Les catholiques n’en étaient pas pour autant au point de mettre le feu aux rédactions. Ils sont aujourd’hui dans la rue au moindre film ou la moindre pièce identifiés à un blasphème. Autre temps, autres mœurs.
Depuis sa diffusion la semaine dernière, le film islamophobe "Innocence of Muslims" ("L'Innocence des musulmans"), produit aux Etats-Unis par un chrétien d'Egypte, a déclenché des manifestations anti-américaines dans le monde musulman qui ont causé la mort de plus de 30 personnes.
Manuel Valls : "un droit fondamental"
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a affirmé mercredi que la liberté d'expression, dont la caricature, était "un droit fondamental" encadré par la loi.
Il a également appelé chacun "à faire preuve de responsabilité" et souligné qu'aucune manifestation troublant l'ordre public "ne sera tolérée", dans une déclaration à la presse à l'issue d'une rencontre avec les représentants du culte musulman.
Sur le blog du journal, il est écrit, à l'attention des internauts : "Merci d'avoir compris, qu'aujourd'hui comme hier, faire notre boulot de commenter l'actu en dessins n'est pas de la "provocation", de "l'huile sur le feu", "une récidive", mais simplement... faire Charlie Hebdo".
Ce qui n'est pas du goût de tout le monde. Des clients se sont précipités dans des kiosques à Paris dès 6h00 du matin mercredi, dans le but d'acheter et de détruire les exemplaires de Charlie Hebdo, ont déclaré à l'AFP des kiosquiers interrogés à Belleville, dans l'est de la capitale.
"Quand j'ai ouvert à 6h00 ce matin, un homme attendait déjà là, une liasse de billets à la main. Il m'a demandé tous les exemplaires de Charlie Hebdo, avant de me dire qu'il comptait les détruire, ainsi que tous ceux qu'il trouverait chez les vendeurs de journaux du coin", a déclaré un kiosquier qui avait vendu tout son stock à 8h00. Un autre témoigne qu'un des clients lui a reproché de vendre un journal qui "allait créer des problèmes en France".
De nouveaux exemplaires devraient être livrés vendredi ou samedi dans ce quartier qui abrite une importante communauté d'origine maghrébine.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.