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"La saga France Inter" : dans les coulisses de la maison ronde

Les journalistes Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet nous offrent une riche enquête sur l’histoire de France Inter. S’y croisent des présidents très politiques, des journalistes et des animateurs-producteurs de talents, souvent dotés de sacrés caractères. Destins, intrigues et anecdotes. Un travail passionnant.
Article rédigé par Pierre-Yves Grenu
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
L'équipe du "Tribunal des Flagrants Délires" en 1980, avec Henri Salvador
 (ALAIN BOURRON)

Au tout début des années 90, Jean Maheu, le nouveau PDG de Radio France apprend une nouvelle qui va lui gâcher bien des nuits : sa maison de la radio est « construite sur un volcan ». Onze tonnes d’ammoniaque liquide, destinées à la réfrigération et au chauffage des locaux, font peser une lourde menace sur la sécurité des employés mais aussi des habitants du quartier. Attention, lui dit-on, l’info doit rester secrète… Ce sera le cas jusqu’en 1996, lorsque le dernier camion citerne quitte le site, point final d'une périlleuse vidange.

Des anecdotes comme celle-ci, « La saga de France Inter » en regorge. Car, depuis sa création en 1963, la station en a connu des histoires, plus ou moins glorieuses. On découvre ainsi la personnalité étonnante de son premier patron, le fondateur Roland Dhordain, grand fidèle du Général, qui s’emploie à tenir la barre bien à droite… tout en recrutant, avec un instinct hors du commun, quelques uns des plus grands noms de la radio, peu réputés pour leur docilité.

Comment Bouteiller, Foulquier, Blanc Francard, Lenoir, Bozon, Paoli, Mermet et tous les autres sont arrivés là ? Les auteures nous le racontent, et c’est plein de surprise. La plupart des grandes carrières ont démarré par la petite porte, au standard ou au remplissage des fiches de droits d’auteur.

  (MEIGNEUX/SIPA)
Et José Artur ? A lui seul, il symbolise l’irrévérence qu’on attend d’un grand média. Régulièrement suspendu de l’antenne pour avoir programmé des chansons antimilitaristes ou assommé ses invités d’un bon mot, il revient toujours… Et rien ne lui fait peur, en particulier quand l’apéritif a été plus généreux que d’habitude. Il se souvient ainsi d’un soir à Cannes, où son émission se déroulait en direct du Whisky à Gogo. Jacques Sallebert, son directeur, lui présente, pour qu’il l’interviewe « la très élégante marquise de Villaverde, fille de Franco ». « Elle s’est assise en face de moi et je lui ai demandé : quel effet ça fait d’être la fille d’un bourreau ? Franco venait de faire garroter un de ses opposants. Les gardes du corps m’ont éjecté du bar : c’est Claude Villers, mon assistant, qui a fait l’émission à ma place ».

Villers, on le retrouve un peu plus tard, à la tête de quelques unes des plus fameuses émissions de France Inter. Et notamment le cultissime « Tribunal des Flagrants délires », drôle et féroce, avec Pierre Desproges en procureur et Luis Rego en avocat « le plus bas d’Inter ». L’émission marche si bien qu’on prépare sa version télé. Premier enregistrement, et voilà Villers convoqué par un directeur des programmes : catastrophe, Desproges a dit « quéquette ». « Vous vous rendez compte, un samedi soir à 20h30 ! ». Villers ne faiblit pas : « Je ne couperai pas quéquette »… L’émission a été diffusée sans amputation.

On apprend encore des tas de choses dans ce livre, comment par exemple Daniel Mermet a fait passer une vache en note de frais ou pourquoi Louis de Funès venait, la nuit, se terrer dans un coin du studio de Macha Béranger… Au bout de cette lecture, une seule envie : allumer sa radio et écouter la suite.
 
"La saga France Inter – Amours, grèves et beautés" d’Anne-Marie Gustave et Valérie Péronnet (Pygmalion) 284 pages – 20,90 €

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