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"La Maison", un récit inédit de Julien Gracq où il se révèle un explorateur urbain avant l'heure

L'auteur est un mystère de la littérature française depuis le prix Goncourt qu'il a refusé en 1951. Julien Gracq, disparu en 2007 à l'âge de 97 ans, a légué ses manuscrits à la Bibliothèque nationale de France et laissé des instructions quant à leur publication.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Photo prise le 7 novembre 2008 d'éléments de la correspondance entre l'écrivain français Julien Gracq (portrait) et le peintre belge René Magritte (1898-1967) à l'Hôtel des Ventes Couton et Veyrac à Nantes, dans  l'ouest de la France. (FRANK PERRY / AFP)

Un inédit de Julien Gracq, La Maison, paraît jeudi 30 mars. Un récit d' "urbex" avant l'heure, en attendant la révélation ultérieure du contenu de cahiers dont l'écrivain a bloqué la publication jusqu'en 2027. L'urbex (exploration urbaine) consiste à visiter des lieux abandonnés ou des friches industrielles sans autorisation. Julien Gracq n'eut probablement pas l'occasion d'entendre le terme avant sa mort en 2007, à l'âge de 97 ans, mais c'est bien ce qu'il décrit avoir pratiqué, et dont il tire un récit sensoriel.

"Un long poème en prose"

La Maison, publié par la maison d'édition à laquelle il est toujours resté fidèle, José Corti, provient d'un vaste trésor : les manuscrits légués par l'auteur à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Dans ces quelque 15 000 pages, l'ayant droit et amie de l'écrivain, Bernhild Boie, a mis au jour une longue nouvelle ou un court roman, que Gracq n'avait pas tenu à faire paraître. "C'est un condensé de la fiction gracquienne, presque un long poème en prose", estime le professeur émérite de littérature de la Sorbonne Michel Murat, interrogé par l'AFP. "Le paysage connu, dans un contexte autobiographique trivial, soudain, après avoir franchi un certain seuil, devient insolite". "Ce court récit inédit de Julien
Gracq déplie, comme une intrigue, la naissance d’un désir",
soulignent les Editions Corti.

Dans l'ouvrage, finalement publié, sont reproduits, en fac-similé, deux états du manuscrit, l'un préparatoire, annoté et raturé de toutes parts; l'autre mis au net. L'écriture de Gracq, appliquée et déliée, se révèle agréable à lire. L'action de La Maison, rédigé "probablement entre 1946 et 1950", est facile à situer. Après avoir combattu l'invasion allemande de mai 1940, avoir été capturé près de Dunkerque, envoyé dans un camp pour soldats et libéré en février 1941 pour raisons de santé, Gracq est devenu professeur au lycée d'Angers.

Il décrit le trajet qu'il faisait lors de l'année scolaire 1941-1942, deux fois par semaine, dans un "autocar fourbu" entre la capitale de l'Anjou et le bourg de Varades, pour retrouver le week-end son fief de Saint-Florent-le-Vieil, de l'autre côté de la Loire. La maison est située à mi-chemin à "G.", vraisemblablement Saint-Georges-sur-Loire, "une de ces villas de prétentieuse et médiocre apparence que le siècle commençant a multipliées". Elle semble inhabitée. Le narrateur va s'aventurer un jour dans son parc.

Mystérieux et prolixe outre-tombe

L'auteur est un mystère de la littérature française depuis le prix Goncourt qu'il a refusé en 1951 pour Le Rivage des Syrtes. "Gracq n'est pas tombé dans l'oubli, il a un public fidèle", souligne Isabelle Daunais, professeure de littérature à l'université McGill à Montréal.

Plusieurs inédits ont émergé depuis son décès. A l'instar de "Manuscrits de guerre", en 2011, qui se composait d'un journal tenu en mai-juin 1940 et d'une fiction ébauchée à partir de ce journal. En 2014, Les Terres du couchant montrait un roman abandonné auquel Gracq s'était attelé entre 1953 et 1955. Et Noeuds de vie, en 2021, était recueil de fragments divers.

La publication de son œuvre est loin d'être finie. Un récit intitulé Partnership, selon toute vraisemblance le premier de Gracq en 1931, attend encore d'arriver en librairie. L'écrivain, par son testament, a en outre interdit la publication, pendant les 20 années suivant sa mort, de 29 cahiers qu'il appelait Notules.

Qu'y a-t-il dans ces 3 500 pages ? L'une des rares personnes qui les ait feuilletées, une conservatrice à la BnF, Marie-Odile Germain, a expliqué à Isabelle Daunais qu'ils étaient "le cadre d'une écriture au jour le jour, fragmentaire, affranchie de la fiction et du sujet". "On va peut-être, pas certainement, avoir des éléments de nature autobiographique. Des choses peut-être plus libres, plus excentriques, on ne sait pas", estime pour sa part Michel Murat.

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