La Fnac enlève un livre jugé homophobe de ses "coups de cœur" mais ne le retire pas de ses rayons
"Le Grand Dictionnaire des malaises et des maladies", qui présente l'homosexualité comme "un choix de vie", a été mis en avant dans quatre magasins Fnac au moins.
L'homosexualité "peut être une étape dans la recherche de [son] identité ou un choix de vie pour [son] évolution ou pour faire évoluer la société", peut-on lire dans Le Grand Dictionnaire des malaises et des maladies, un ouvrage signé Jacques Martel présenté comme "coup de cœur" du vendeur dans quatre magasins Fnac. Voilà une des phrases qui a déclenché la colère de certains utilisateurs de Twitter, jeudi 12 avril, qui ont accusé le livre de diffuser des propos homophobes. Après cette polémique repérée par Buzzfeed, les mentions qui mettent en avant le livre vont être retirées, a indiqué la direction de la Fnac à franceinfo.
L'article sur l'homosexualité est d'ailleurs très aisé à retrouver entre le paragraphe sur l'homicide ("Qu'est-ce que je veux tuer en moi ? Ma souffrance, ma hargne, ma haine ?") et celui sur le hoquet ("une expérience
— Claire Underwood (@ParisPasRose) 12 avril 2018
très incommodante et désagréable pour la personne qui l'a.") pic.twitter.com/iZdGgDBCqz
Comment ce livre s'est-il retrouvé dans les coups de cœur de l'enseigne ? Les responsables de la Fnac contactés par franceinfo soulignent que leurs libraires sont "totalement autonomes", disposent de "toute la latitude" pour choisir les ouvrages qu'ils recommandent aux clients et disent "faire confiance au libre arbitre des vendeurs". Ce que confirme un responsable syndical CFTC du groupe.
La direction évalue les coups de cœur "a posteriori" et elle affirme les modérer "en fonction des réactions". "On référence une quantité [de livres] impressionnante, notre attention a été attirée par la polémique, donc on a décidé de le retirer des coups de cœur", ajoutent les responsables. D'après la communication de la Fnac, "l'émoi suscité sur les réseaux sociaux nous a paru légitime".
La @Fnac référence l’exhaustivité des ouvrages publiés et ne peut déréférencer que les titres interdits par la loi française. Certains éléments contenus dans cet ouvrage ne correspondent pas aux valeurs de culture et d’humanisme que nous défendons depuis 60 ans. (1/2)
— Fnac (@Fnac) 13 avril 2018
"Nous sommes distributeur, nous distribuons"
Mais pour Joël Deumier, président de SOS homophobie, la diffusion même de l'ouvrage pose problème.
Ce livre présente l'homosexualité comme un choix et comme relevant d'une maladie ou d'un malaise. C'est profondément homophobe.
Joël Deumierà franceinfo
"Notre rapport sur l'homophobie en 2017 montre une augmentation de 20% des agressions. (...) Nous sommes dans un contexte où l'homophobie est d'un tel niveau que toutes les parties prenantes, y compris les entreprises privées, doivent prendre leurs responsabilités et faire attention aux ouvrages qu'elles diffusent", défend-il.
En l'état, le livre ne devrait pas être diffusé dans les librairies.
Joël Deumierà franceinfo
"Nous sommes un distributeur, nous distribuons", répondent les responsables de la Fnac, insistant sur l'exhaustivité de leur offre éditoriale et précisant que "la question pourrait se poser" pour beaucoup d'autres livres. Mais surtout l'enseigne indique qu'elle pourrait être attaquée en justice pour refus de vente, le livre n'ayant pas été interdit en France. Pour plusieurs vendeurs, joints par téléphone, le livre fait partie des "très bonnes ventes". "On me le demande au moins une fois par jour, à moi ou à mes collègues", précise l'une d'entre eux.
L'ouvrage, paru en 2007, a pour ambition d'aborder la santé par le prisme des pensées, des sentiments et des émotions. A propos de l'homosexualité, son auteur, Jacques Martel, affirme qu'une personne peut y "rechercher un père, une mère" ou encore que la "cause" de l'orientation homosexuelle peut être trouvée dans dans le caractère "trop dominant" d'une mère. Ancien ingénieur électricien, Jacques Martel, un auteur canadien, est désormais "formateur, conférencier, 'maître Reiki' et praticien en reconnexion", selon son site internet. II n'a pas donné suite à nos sollicitations.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.