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L'écrivain Ernest J. Gaines, voix des luttes afro-américaines, est mort

L’écrivain américain Ernest J. Gaines est mort à l’âge de 86 ans. Pendant plus de soixante ans, l'auteur de "Dites-leur que je suis un homme" aura été l'un des porte-paroles de la cause afro-américaine.

Article rédigé par franceinfo Culture - Mélisande Queïnnec
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Ernest J. Gaines, 12 avril 1977. L'auteur acclamé de "L'Autobiographie de Miss Jane Pittman" et de "Dites-leur que je suis un homme", est décédé à l'âge de 86 ans.  (ANONYMOUS/AP/SIPA / SIPA)

L'écrivain Ernest J. Gaines est décédé le 5 novembre 2019 à l'âge de 86 ans. Né en 1933 dans une plantation de Louisiane, Ernest J. Gaines fait ses premières armes en rédigeant les lettres des anciens, traduisant en mots ce qu’ils ne savent exprimer. "D’une certaine manière, c’est là que tout est né, je continue à écrire leurs lettres", confiait l’écrivain.

Ernest quitte la Louisiane pour la Californie à l’âge de quinze ans. Pendant ses études, il dévore les œuvres de grands noms de la littérature mais n’y retrouve jamais son monde. Frustré, il décide de le mettre en scène et commence à écrire. A l'âge de vingt-trois ans, il publie ses premières nouvelles.

Parler au nom de ceux qui ne peuvent pas

En 1964, Ernest Gaines livre son premier roman, Catherine Carmier. Inspiré par son propre vécu, ce dernier raconte le retour "au pays" d’un jeune louisianais. Plus tard, on lui devra des romans comme D'amour et de poussière en 1967 ou l'encensée Autobiographie de Miss Jane Pittman en 1971, chronique de la vie d'une ancienne esclave afro-américaine du "vieux Sud" à partir de sa libération, à la fin de la guerre de Sécession.

Couverture du livre "Autobiographie de Miss Jane Pittman" d'Ernest Gaines. (Editions Liana Levi)

Influencé par ce qu’il voit et entend dans la plantation, il brosse dans ses écrits des personnages forts dans un Sud en pleine mutation. A l’âge de neuf ans, Ernest Gaines, lui-même, ramassait des pommes de terre pour cinquante centimes de dollars par jour. Dans son oeuvre, l’impérialisme blanc se confronte à la quête de dignité d’une nouvelle génération afro-américaine portée par ses idéaux. Plusieurs de ses narrateurs témoignent des conflits et des drames qui animent la ville fictive de Bayonne, en Lousiane, théâtre de la plupart des œuvres de l'auteur.

Je suis né un dimanche pendant la saison de la canne à sucre, et ma mère est repartie aux champs deux ou trois jours après ma naissance. Ces hommes et ces femmes du sud sont les héros de ma vie : qu’ils aient survécu avec tant de dignité, voilà ce que je cherche à rendre.

Ernest J. Gaines

Ecrire la ségrégation  

Parmi les récits les plus marquants d'Ernest Gaines figurent également Colère en Louisiane, publié en 1983 et adapté au cinéma quatre ans plus tard, ainsi que Dites-leur que je suis un homme. Ce roman plus engagé, écrit en sept ans, dénonce les inégalités de traitement entre Noirs et Blancs par le prisme d’un jeune Noir illettré, accusé à tort du meurtre d’un Blanc dans la Louisiane des années 1940. En 1993, il sera couronné par un National Book Critics Circle Award.

Couverture de l'édition française de "Dites-leur que je suis un homme". (Liana Levi)

Militant, Gaines écrit en 1988 une lettre ouverte avec 48 écrivains Noirs, dont Maya Angelou et Alice Walker, pour réclamer une distinction nationale pour l’œuvre de Toni Morrison. La même année, cette dernière obtiendra un prix Pulitzer pour Beloved. Ernest Gaines, lui, sera nominé pour le prix Nobel de littérature en 2004.

Un "géant au regard triste"

La plume d’Ernest Gaines ne trahit jamais l’importance de son propos. Ses personnages, comme leur langage, se veulent aussi crédibles que possible. De la Louisiane à Rennes, il enseigne l’écriture créative à l’université, transmettant ce souci du réalisme, tant sur le fond que sur la forme.

Barack Obama remet la Médaille Nationale des Arts à Ernest J. Gaines durant une cérémonie à la Maison Blanche, le 10 juillet 2013. (CAROLYN KASTER/AP/SIPA / AP)

"(C’était) un géant au regard triste. Du haut de sa stature imposante, Ernest J. Gaines remplissait l’espace de ce regard, un regard qui laissait deviner l’enfant qu’il avait été", s’est exprimée Liana Levi, fondatrice de la maison d’édition du même nom qui publie l’auteur en France. Une figure majeure du "roman du Sud" s’est éteinte.

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