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L'académie Nobel de littérature dans la tourmente du #metoo désigne un nouveau secrétaire perpétuel

L'Académie suédoise a choisi un secrétaire perpétuel intérimaire pour espérer sortir d'une crise suscitée par les démissions en cascade à la suite d'accusations de harcèlement sexuel visant un Français marié à l'une de ses membres. Cette affaire entache la réputation du Nobel, l'Académie décernant le prix de littérature.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Sara Darius, ici photographiée lors annonce du prix Nobel 2016, a démissionné de l'Académie suédoise suite aux scandales qui ont touché l'institution.
 (JONATHAN NACKSTRAND / AFP)

Anders Olsson, écrivain et professeur de littérature de 69 ans, est "de manière provisoire" secrétaire perpétuel, a-t-il annoncé vendredi à la radio SR, au lendemain de la démission de Sara Danius. Première femme à occuper ce poste depuis la création de l'Académie en 1786, elle a annoncé jeudi avoir été remerciée, victime des divisions internes dans cette maison éclaboussée par des révélations dans le cadre de la campagne #metoo. 

Cette crise risque de peser sur la réputation du Nobel. "C'est dévastateur pour le prix Nobel", a expliqué Mattias Berg, journaliste culturel à la radio SR. "Le prix Nobel de littérature, le plus grand prix littéraire du monde, est décerné par une Académie qui a montré tout sauf du jugement et de l'intégrité", a-t-il déploré.

En novembre 2017, le quotidien Dagens Nyheter avait publié les témoignages de 18 femmes affirmant avoir subi des violences ou des faits de harcèlement sexuel d'un homme d'origine française marié à une académicienne, la poétesse et dramaturge Katarina Frostenson. Celle-ci a annoncé jeudi quitter l'institution. L'Académie a depuis novembre rompu tout lien avec Jean-Claude Arnault le mari de Mme Frostenson, lequel nie tout comportement criminel, et coupé ses subventions au lieu d'exposition et de performances qu'il dirige à Stockholm. Elle a, par ailleurs, ouvert une enquête interne et s'est attachée les services d'un cabinet d'avocats. Leurs conclusions ne sont pas connues, et les académiciens sont tenus à un stricte devoir de réserve.

Sara Danius, secrétaire perpétuelle poussée vers la sortie

Cette affaire a divisé le sanctuaire de la littérature et de la poésie du pays scandinave. Après la démission de trois de ses membres la semaine dernière, c'est la secrétaire perpétuelle qui a été poussée vers la sortie. "C'est la volonté de l'Académie que je quitte mon poste de secrétaire perpétuelle", a annoncé Sara Danius à la fin d'une réunion des sages. "J'ai aussi décidé de laisser mon fauteuil, le numéro 7. Cette décision prend effet immédiatement", a-t-elle précisé. "J'aurais volontiers continué mais il y a autre chose à faire dans la vie", a-t-elle confié à la presse.

Le directeur général de la Fondation Nobel, Lars Heikensten, s'est publiquement inquiété d'une "situation grave et difficile". Sara Danius a elle-même reconnu que cette crise avait "déjà affecté le prix Nobel plutôt sérieusement. C'est un problème grave". Pour Lisa Irenius, cheffe des pages culturelles du quotidien Svenska Dagbladet, avec les tensions actuelles, "il est aujourd'hui difficile d'avoir beaucoup d'espoir pour l'Académie". 

Peter Englund, académicien démissionnaire depuis la semaine dernière, estime que Sara Danius, qui lui a succédé en 2015, fait l'objet de critiques internes "injustifiées". Pour un autre sage, Horace Engdahl, l'Académie a constaté qu'il y avait "un problème de leadership". "Il fallait quelque chose de radical pour créer les conditions d'un nouveau départ", a-t-il dit à la télévision publique SVT. Professeur de littérature à l'Université de Stockholm, Sara Danius était la première femme à occuper ce poste.

Des membres perpétuels

Les académiciens sont membres perpétuels et ne peuvent en principe en démissionner. Ils peuvent laisser vides leurs fauteuils. Sur les 18 sages, 7 n'en sont désormais plus des membres actifs puisque deux autres s'étaient mises en congé il y a plusieurs années. Ce n'est pas la première fois que l'institution fait face à une vague de démissions. Trois académiciens avaient décidé en 1989 de ne plus occuper leur chaire face au refus de l'institution de condamner la fatwa frappant Salman Rushdie après la parution des "Versets sataniques". Elle avait fini par la dénoncer 27 ans après. 

Sur le plan judiciaire, le parquet de Stockholm a annoncé mi-mars qu'une partie de l'enquête ouverte contre l'homme au coeur du scandale avait été classée sans suite pour cause de prescription ou faute de preuves. Il s'agit de viols et d'agressions présumés commis en 2013 et 2015. Les faits non encore classés n'ont pas été divulgués.

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