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"L'école des loisirs" fête ses 50 ans au Salon du Livre : visite de l'expo avec les auteurs phares

Le Salon du Livre a ouvert ses portes au public ce vendredi matin. L'un des événements cette année est l'anniversaire de "L'école des loisirs", qui fête son cinquantenaire avec une exposition. Visite avec les auteurs phares qui en ont profité pour dire tout le bien qu'ils pensent de cette maison d'édition qui a donné à la littérature jeunesse ses lettres de noblesse.
Article rédigé par Laurence Houot
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Claude Ponti dessine Blaise, l'expo 50 ans
 (Laurence Houot / Culturebox)

On avait rencontré Louis Delas, co-directeur général quelques jours avant l'ouverture du salon du livre, intarissable sur l'histoire de "L'école des loisirs" en cette année du cinquantenaire. Pour l'inauguration de l'exposition consacrée à cet anniversaire au Salon du Livre de la Porte de Versailles, il est là mais reste en retrait, sourire aux lèvres.

 
Cette fois, ce sont les auteurs de la maison qui sont à l'honneur, eux aussi intarissables sur le bonheur qu'ils ont de faire partie de cette maison d'édition pas comme les autres. Claude Ponti, Stéphanie Blake, Grégoire Solotareff et d'autres sont là pour découvrir en avant-première l'exposition. "Tout a été fait à hauteur d'enfant", explique Nathalie Brisac, responsable de la communication de l'école des loisirs. "L'exposition est organisée autour de quatre grands thèmes", ajoute-t-elle pendant que le petit groupe entre dans la première salle de l'exposition, "Cinquante ans que les enfants prennent le large" sur les traces d'empreintes de pattes d'oiseaux.

Une exposition faite pour les enfants

La scénographie, signée Sophie Toussaint donne en effet l'impression d'entrer dans le monde des enfants : une signalétique toute simple, des lumières douces, sauf derrière ce rideau où il fait un peu sombre, mais c'est normal, ce couloir là est consacré au thème de la peur. Il fait noir. Au sol, des empreintes de loup, dans la salle, une lumière fluo fait briller les dents...
 
Dans chaque salle, des originaux ou des reproductions des plus belles pages des albums cultes, croisant toutes les générations des auteurs qui ont fait cette maison : de Ungerer à Sendak, en passant par Yvan Pommaux, Stéphanie Blake ou Philippe Corentin. "Tu reconnais celui-là ?" demande Nathalie Brisac à Grégoire Solotareff devant l'un des premiers dessins de son fameux Loulou "Oui je me souviens, je l'ai fait il y a presque trente ans ! Je l'ai fait rapidement à la fin d'une énorme journée de travail. Quand je vois ça, je me dis que depuis j'ai beaucoup travaillé !", s'exclame-t-il.
L'une des premières images de "Loulou" - Original
 (Grégoire Solotareff)
Claude Ponti explique pour sa part avec sa malice habituelle que lorsqu'il revoit ses dessins, il y a deux options : "Si je suis en forme, je me dis que je devrais tout recommencer. Par contre si je ne le suis pas, je me dis que je n'arriverai plus jamais à faire aussi bien !"
Dessin original de "Bih Bih et le Bouffron Gouffron"
 (Claude Ponti)
Des auteurs heureux
 
Un peu plus loin une cabane pour écouter des histoires,  et un espace pour dessiner, lire, jouer… Grégoire Solotareff se lance le premier, sur le grand tableau noir il dessine son Loulou, suivi par Claude Ponti, qui y ajoute son poussin. L'ambiance est joyeuse. "Champagne !", s'exclame Claude Ponti, quand on lui demande comment il a envie de fêter cet anniversaire, avant d'ajouter "cinquante ans ! Ça ne me rajeunit pas, même si moi j'y suis que depuis trente ans ! Ce que j'ai envie de dire c'est déjà cinquante ans, et en même temps vivent les 50 prochaines années !".

Tous s'accordent à dire que "L'école des Loisirs" est une maison d'édition où il fait bon vivre. "Si je reste, c'est parce que je sais que c'est là qu'on est bien", explique Grégoire Solotareff. "Je voulais venir dans cette maison parce qu'à l'époque c'était le meilleur éditeur d'Europe. C'était attirant et inquiétant à la fois, parce qu'Arthur Hubschmid (directeur général éditorial) avait la réputation d'être très dur, intransigeant, mais en même temps, c'était lui le meilleur". La marque de fabrique de la maison ? "Un curieux mélange d'audace et de tradition", conclut-il.

La méthode Hubschmid

Et les auteurs de la maison lui sont fidèles : sur les 1000 auteurs que publie la maison, 125 ont plus de 10 titres au catalogue. Stéphanie Blake a grandi dans cette maison d'édition. Pendant dix ans, ses livres ont été édités à perte, avant la publication de "Caca Boudin" et la naissance de son personnage Simon.
Simon, Original
 (Stéphanie Blake)
"C'est un luxe d'avoir un éditeur qui accepte de vous publier pendant dix ans à perte, d'avoir ce temps pour comprendre ce qu'est un livre pour les enfants. Il m'a fallu dix ans. Arthur Hubschmid avait  misé sur moi. Un jour, il m'a quand même dit 'Bon, il faudrait quand même que tu fasses un album qui marche'. Et juste après j'ai fait "Caca Boudin" ! Mais s'il ne m'avait pas soutenue pendant toutes ces années, je serais sans doute pas devenue auteur", conclut-elle, avant d'ajouter qu'elle est fière de voir ses dessins-là dans cette exposition aux côté de ceux de Ungerer, ou Sendak.

"Je suis heureuse de voir que je fais partie d'une lignée. Et j'espère que Simon sera toujours là dans 50 ans !" Pour elle, un des secrets de "L'école des Loisirs" est de ne jamais oublier à qui s'adressent les livres : les enfants. "Quand je montre un projet à Arthur Hubschmid, c'est l'enfant qui est en lui qui regarde. On n'a jamais parlé de ça. Mais je le sens. Et c'est ça qui fait la force de la maison. On ne suit pas les modes, on n'est pas partisans de l'art pour l'art. C'est l'enfant qui compte avant tout. C'est à lui qu'on s'adresse", conclut la dessinatrice.

"L'école des loisirs, c'est une île"

Et ce n'est pas  Geneviève Brisac, un autre pilier de la maison, côté romans, qui la contredira. "On a toujours tendance à sous-estimer les enfants, et on a tort. Ils ont un regard sur les adultes hautement informatif. Quand je suis arrivée à "L'école des loisirs", mon objectif était de faire la NRF pour les enfants." Et elle cite Aharon Appelfeld, l'un  des auteurs qu'elle édite : "Un bon roman, c'est un mélange de distraction et de transmission, de sens et d'amusement". Elle insiste aussi sur la dimension nécessaire de prendre le temps, et le mot indépendance revient aussi dans sa bouche.
Illustration originale de "Le petit pêcheur et le squelette"
 (Jiang Hong Chen)
"L'école des loisirs, c'est une île", explique-t-elle, avant d'ajouter que "c'est un lieu de partage, d'échanges, de circulation du désir, de mise en commun. C'est un atelier artisanal, avec une idée commune de l'enfance comme patrie, un lieu depuis lequel on peut rire du monde, un lieu qui défend l'insolence et la justice". Une indépendance qui permet aussi de prendre des risques. "Quand j'ai édité le premier livre de Marie Desplechin, tout le monde s'est moqué de moi, pour le 2e, le 3e aussi et au 4e on a arrêté de se moquer…". Une posture d'engagement, que Grégoire Solotareff résume d'un mot : " Il faut oser ! Il ne faut pas être sage. Jamais ! Dans la vie non plus d'ailleurs, il ne faut pas être sage."

L'école des Loisirs - L'expo 50 ans
Salon du Livre de Paris 2015 - du 20 au 23 mars Porte de Versailles 
Vendredi 20 mars : 10h - 20h
Samedi 21 mars : 10h - 20h
Dimanche 22 mars : 10h - 19h

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