Jul se lance avec bonheur dans la BD jeunesse avec "Mon père ce héron"
On aurait pu croiser Julien Berjeaut dans un colloque de sinologie si ce normalien n'avait pas abandonné sa carrière de professeur d'histoire pour devenir Jul et se consacrer entièrement à sa passion : le dessin de presse. C'est donc dans les locaux de la toute jeune maison d'édition BD Rue de Sèvres, adossée à l'école des loisirs, qu'on le retrouve, heureux de parler de son dernier projet, une BD pour les enfants.
"Mon père ce héron", un album à mi-chemin entre l'ouvrage pour la jeunesse et la BD, qui inaugure "Premières Bulles", une démarche engagée par Rue de Sèvres, pour initier les tout premiers lecteurs à la BD. "Mon père ce héron" met en scène des jeunes grenouilles mythomanes : surenchère sur l'étang, jusqu'à ce que la réalité finisse par les rattraper… L'album sera en librairie le 14 mai prochain.
Jul avait déjà le projet dans ses cartons quand Rue de Sèvres a lancé l'idée. "Ca collait parfaitement avec leur projet pour les jeunes lecteurs, les 5-10 ans. J'ai un peu retravaillé la mise en pages, en insistant sur les codes BD. J'ai ajouté des bulles, j'ai gardé ma typo à la main alors que dans mon projet initial, j'avais prévu une typo machine. Bref j'ai travaillé sur les codes BD pour que ça trouve vraiment sa place dans l'esprit du projet", explique le dessinateur.
Jul avait déjà travaillé pour les enfants : un album pour "Les échappés", maison d'édition lancée par Charlie Hebdo en 2008, "L'herbier impitoyable" et sa série "Silex and the city", destinée aux adultes, plaît aux plus jeunes depuis qu'elle a été déclinée en version animée pour Arte.
"Ca m'intéressait de travailler pour les enfants d'un point de vue esthétique, de jeter une passerelle entre le monde de la BD ou du dessin de presse et la jeunesse, mélanger les codes de la littérature jeunesse, l'aquarelle, le côté tendre, tout en gardant l'essentiel, la patte et le rythme de l'humour de presse." Jul, connu pour son humour grinçant et son trait libre, a gardé le même esprit pour les enfants.
"Je garde mes repères, un ton transversal, une dimension référentielle, les clins d'œil des choses du quotidien, en écho à la société contemporaine. Dans un univers animalier comme ça, je glisse des trucs sur l'actualité, comme la radioactivité ou la Starac' ou Karl Lagerfeld. J'aime bien rester ancré dans un cadre référentiel d'aujourd'hui, parce que même si les enfants ne lisent pas Le monde, ils regardent la télé et ne vivent pas dans une bulle. Et en dehors des sujets qui construisent l'identité, c'est bon de garder des fenêtres ouvertes sur le monde qui les entoure." "Et puis ça me faisait marrer. J'ai toujours dessiné des grenouilles. Ce truc vert multidimensionnel à gros yeux avec des appendices, c'est un plaisir à dessiner. Il faut dire que parmi mes grandes références il y a le Kermit du Muppet Show et Ranelot et Bufolet, d'Arnold Lobel, les aventures de deux crapauds, un classique de l'école des loisirs."
Jouer sur les niveaux de lecture
Sur le fond, l'idée c'était de faire un album pour faire marrer les enfants et aussi les adultes, même si j'ai réfléchi pour que les enfants puissent lire l'album tout seuls. J'ai deux filles, une en CP l'autre en grande section de maternelle, l'idée c'est qu'elles puissent lire le livre seules et ensuite éventuellement venir poser des questions aux adultes, sur la radioactivité par exemple." Jul a aussi eu recours à sa manie du détournement, une de ses marques de fabrique. "J'aime faire des ponts entre la culture populaire et la grande culture, et j'aime aussi la cohabitation de plusieurs niveaux de lecture. Le titre 'Mon père ce héron', les enfants le liront au sens premier, d'autres reconnaîtront l'expression et certains adultes penseront à Victor Hugo. C'était déjà dans mes habitudes de lecture depuis que je suis tout petit. J'ai toujours adoré découvrir des choses nouvelles dans des livres que je connaissais par cœur. Il y a aussi Karl Lagerfeld, par exemple, devenu une icône dans notre sociiété. Les enfants ne connaissent pas forcément mais ce qui est drôle, c'est que quand ils le découvriront en vrai, ils penseront peut-être à ma grenouille", sourit le dessinateur. "J'ai plein d'idées"
Jul a pris goût à ce travail destiné aux enfants. "Carrément. C'est trop sympa à faire ! En termes de travail aussi… Quand on se lance dans un album de BD pour adultes, on s'engouffre dans un tunnel, c'est une croix à porter pendant des mois, alors qu'un album pour les enfants, c'est plus léger et c'est ça aussi qui donne ce swing, cette liberté. J'ai déjà des idées pour en faire d'autres. Grenouillork, New York avec tous les clichés à la sauce grenouille, la statue de la liberté en grenouille, Woody Allen en grenouille, le 'World Tetards Center', ah j'ai plein d'idées là je suis en train de faire un nouvel album en direct ! Non sérieusement, dès que j'ai un peu de temps j'aimerais en faire d'autres."
"Premières bulles" : un marchepied vers les lectures BD adulte
Astérix, Les schtroumpfs, Boule et Bill… Jul a été bercé à la BD dès son plus jeune âge. "J'ai appris à lire avec Astérix", dit-il, "et quand j'ai reçu mon premier Rubrique-à-brac (Gotlib), pour mon Noël de CM1, ça a été une révélation, ça a changé ma vie !"
"J'aime bien l'idée d'accompagner; les enfants au fur et à mesure qu'ils grandissent. A partir de 14-15 ans, les ados lisent les mêmes BD que les adultes. Mais il y a cette période bénie entre 5 et 12 ans, où on peut inventer d'autres formes narratives. Et puis les enfants qui lisent ces BD aujourd'hui, c'est une sorte de préparation, un marchepied vers les lectures BD adultes, ça crée une espèce de lectorat critique, une ironie de l'œil. La comédie ça, c'est le swing, que ce soit en BD, ou au cinéma, c'est avant tout un rythme, et au fond c'est pareil pour les enfants et les adultes."
Mon père ce héron Jul (Rue de Sèvres - 40 pages - 7,50 euros - En librairie le 14 mai 2014)
Dans la même série (en librairie le 14 mai) : Des canards trop bizarres Cecil Castellucci et Sara varon (Rue de Sèvres - 96 pages - 11,50 euros )
Les Tchouks (tome 1- La cabane et tome 2- La mer) Kerascoët et Benjamin Richard (Rue de Sèvres - 32 pages - 7,50 euros)
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