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Michel Houellebecq, "écrivain de la souffrance ordinaire" et prophète de la déprime moderne

Avant même sa parution aujourd'hui, le 7 janvier, son huitième roman "Anéantir" alimente déjà les débats. Auteur français le plus connu au monde, Michel Houellebecq occupe aujourd'hui une place à part dans le monde de la littérature.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Michel Houellbecq, avril 2019. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Romancier français le plus influent du siècle, Michel Houellebecq est un prophète de la déprime moderne dont les ouvrages, qu'ils plaisent ou non, suscitent toujours un débat sur le devenir de l'homme occidental. Traduit dans plus d'une quarantaine de langues, et écrivain francophone de loin le plus connu dans le monde, cet écrivain de 65 ans a d'autres talents : poète, critique, cinéaste, artiste plasticien, photographe et même chanteur de rock. "Anéantir", son huitième roman est promis à un démarrage en trombe dès sa sortie aujourd'hui vendredi.

Ecrivain de la souffrance ordinaire

Mais c'est dans le roman qu'il brille, avec des parutions événements qui rappellent des époques où la littérature pesait beaucoup plus dans le paysage médiatique et culturel français. "Je suis l'écrivain de la souffrance ordinaire", affirmait-il en 2001. Celle d'anti-héros déboussolés par un monde qui change trop brutalement autour d'eux, par l'éclatement des repères idéologiques et spirituels, et par leur solitude.

"L'Occident littéraire demande à Michel Houellebecq de fonctionner comme un thermomètre"

Giorgio Vasta, écrivain italien

Son mérite est de s'attaquer par la fiction, voire un zeste de science-fiction, aux questions les plus brûlantes de notre époque : colères populaires, discrédit de la politique, immigration, relations hommes-femmes, sexualité, marchandisation des corps, morale et déviances, religions et sectes, éthique du progrès scientifique et technologique, perte de sens au travail, etc...

Traduit en 65 langues, Michel Houellebecq est l'écrivain françphone le plus connu au monde. (JOEL SAGET / AFP)

Derrière un mélange subtil d'ironie et de froideur clinique, radical dans son pessimisme, son oeuvre est hantée par la dislocation des cadres religieux et familiaux traditionnels, qui laissent place à un individualisme forcené. 

"L'être humain est un petit animal cruel et misérable"

Michel Houellebecq, 1996

Né Michel Thomas le 26 février 1956 à La Réunion (en 1958, affirme-t-il de son côté), d'un père guide et d'une mère médecin, il est confié à six ans à sa grand-mère paternelle, dont il adopte le nom. Houellebecq ne cachera jamais la haine de sa mère qui, après avoir divorcé, épousera un musulman et se convertira à l'islam. En 1980, il obtient son diplôme d'ingénieur agronome et se marie. Son fils Etienne naît en 1981. Puis c'est le divorce, la dépression, le chômage, les séjours en hôpital psychiatrique...

Héritier du spleen baudelairien

Il écrit des poèmes, et publie en 1985 une biographie de Lovecraft. Sa vie d'écrivain est véritablement lancée en 1994, avec Extension du domaine de la lutte, premier roman qui en fait un auteur culte chez les adeptes du spleen. Suivent Les Particules élémentaires (1998), immense succès qui lui permet de s'installer en Irlande, Plateforme (2001) sur le tourisme sexuel et La Possibilité d'une île, autour du mouvement raélien. En 2010, il décroche le prix Goncourt qu'il espérait depuis dix ans avec La Carte et le Territoire dans lequel il éreinte l'art, l'amour, l'argent, les célébrités et se désole de voir à quel point la campagne française s'est enlaidie.

"Soumission" (2015) l'un de ses romans les plus polémiques et les plus vendus aussi. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

Soumission, qui raconte l'arrivée au pouvoir d'un président musulman dans la France de 2022, sort le 7 janvier 2015, jour de la tuerie de Charlie Hebdo. Le journal satirique faisait sa une sur le "mage" Houellebecq. Le roman ravive des critiques nées en 2001 après qu'il eut déclaré : "La religion la plus con, c'est quand même l'islam". Il bat des records de vente en France, en Allemagne, en Italie. Interrogé par la presse britannique, il reconnaîtra un peu plus tard être "probablement" islamophobe. "Mais le mot phobie signifie peur plutôt que haine", précise Michel Houellebecq, qui bénéficie d'une protection rapprochée en raison de ses prises de position.

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