"Elysée Circus", le livre des petites phrases politiques assassines
1965. Année de naissance de Fredéric Begbeider de Stéphanie de Monaco et de Rachida Dati, ce millésime est aussi, et sans doute surtout, celui de la première élection du président de la République française au suffrage universel. Charles de Gaulle surpris et contraint à un second tour face à François Mitterrand, le visage de la politique à la française passait soudain des débats entre partis à l'affrontement entre individus. Et à ce nouveau jeu-là, les caciques survivants de la quatrième République n'allaient pas durer longtemps face aux ambitieux, nouvelle catégorie bientôt reine des petits écrans alors balbutiant. C'est donc de 1965 que datent les premières phrases rapportées par Jean Garrigues et Jean Ruhlmann dans leur ouvrage "Elysée Circus", paru à très bon escient et dont le titre se complète de ces quelques mots : "Une histoire drôle et cruelle des présidentielles".
Jean-Garrigues invité du journal de France 2
Mots qui tuent
Selon les auteurs de cette passionnante compilation, les hommes politiques (dans le sens homo politicus qui englobe hommes et femmes) présentent l'aspect de gladiateurs armés de "mots qui tuent". La plupart du temps préparées à l'avance avec leurs conseillers de l'ombre, ces formules se veulent, ou s'espèrent, mortelles pour leurs opposants. Et elles le furent parfois tant on prête au fameux "Vous n'avez pas, Monsieur Mitterrand, le monopole du coeur" de Valéry Giscard d'Estaing une influence déterminante sur l'issue de la présidentielle de 1974. Idem pour la réponse du berger à la bergère à l'élection suivante "Vous avez tendance à reprendre le refrain d'il y a sept ans : l'homme du passé. C'est quand même ennuyeux que, dans l'intervalle, vous soyez devenu, vous, l'homme du passif". Ces citations sont passée à la postérité, comme le "roquet" infligé à Laurent Fabius par Jacques Chirac. Phrase que l'on peut considérer comme une réponse indirecte à François Mitterrand lui rétorquant en 1988 avec une finesse de renard "Mais vous avez tout à fait raison... Monsieur le Premier ministre" alors que justement, le candidat de droite venait de lui faire remarquer "Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats.. Vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand."
Pics venimeux
Mais les phrases rapportées dans ce livre ne sont pas seulement des pics venimeux lancés contre des adversaires eux aussi armés de traits mortels. Il y a aussi des mots d'esprit qui propulsent leurs auteurs au niveau atteint par les grands moralistes du passé et, à cet égard,certaines formules du général de Gaulle valent bien une citation de Talleyrand. D'autres, moins inspirées, puisent davantage dans les one man shows d'humoristes à la mode, c'est le cas de la fameuse phrase décochée par Arnaud Montebourg en direction de François Hollande après un ricochet sur la candidate socialiste de l'élection de 2007 : "Le principal défaut de Ségolène Royal ? C’est son compagnon."
Gouaille ou finesse d'esprit
Galvaudées, reprises, déformées, toutes les citations politiques qui composent le livre de Jean Garrigues et Jean Ruhlmann illustrent ce travers de la politique française où les voix se gagnent parfois davantage sur une joute oratoire que sur un débat d'idées. Il permet aussi de retrouver des personnages dont la gouaille ou la finesse d'esprit (les deux ont pu d'ailleurs cohabiter chez des hommes comme Georges Marchais) ont fait les beaux soirs des émissions politiques de ces cinq ou six dernières décennies.
Elysée Circus - Une histoire drôle et cruelle des présidentielles
Par Jean Garrigues et Jean Ruhlmann
Editions Tallandier
320 pages 19,90 euros
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