Cavanna, le maître de l'humour "bête et méchant", est mort
Né le 22 février 1923 à Paris d'un papa italien et d'une mère française, Cavanna grandit à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) dans la petite communauté italienne immigrée. "Une enfance merveilleuse", à laquelle il consacrera en 1978 son grand roman, "Les ritals". Bon élève, passionné par la langue française, il racontait avoir lu très tôt tout ce qui lui tombait sous la main.
En 1943, le jeune Cavanna est raflé par le Service du travail obligatoire (STO) et expédié à Berlin, dont il rentrera après deux ans et demi de camps. Un épisode dont il tirera un autre roman, "Les russkoffs", prix Interallié 1979.
Reportage : PY.Salique, CH;Carlier, M.Félix, F.Mazzague
Le père de Charlie Hebdo et Hara Kiri
Le nom de Cavanna, son air bougon et ses moustaches blanches de vieux Gaulois, sont irrémédiablement liés à Hara-Kiri, le mensuel qu'il crée en 1960 avec Georges Bernier, le futur professeur Choron. Un magazine d'humour "coup de poing dans la gueule", sans aucun tabou. Entouré de quelques-uns des meilleurs dessinateurs de l'époque - Reiser, Cabu, Wolinski... -, il déboulonne ses cibles favorites, comme l'armée, les beaufs, les chasseurs ou les religions.
"Pour être optimiste, il faut être con"
Un parcours émaillé de multiples procès de presse, qui entraîneront la disparition de l'hebdo Hara-Kiri en 1970... et son remplacement immédiat par Charlie Hebdo. Après dix ans d'interruption faute de lecteurs, il reprendra ses chroniques au début des années 1990 dans la nouvelle version du journal.
"Droit de réponse", en 1982, consacrée à la disparition de "Charlie Hebdo", une dispute entre Jean Bourdier, journaliste au journal "Minute" et des membres de l'équipe de "Charlie Hebdo", dont François Cavanna.
Auteur au style truculent, qui aimait faire vivre le parler de la rue, Cavanna est l'auteur d'une soixantaine d'ouvrages, dont une quinzaine de romans et de multiples essais, parodies et pamphlets, comme "Et le singe devint con", "Les aventures de Napoléon" ou encore "Lune de miel", en 2010, où il décrit sa bataille contre la maladie de Parkinson.
Entretien de François Cavanna au sujet de "Lune de miel" Hommages au père d'Hara Kiri et "maître de l'humour noir et méchant"
Alors que le Festival d'Angoulême ouvre ses portes aujourd'hui, le monde de la BD réagit à cette disparition.
Le Festival #FIBD2014 vient d'ouvrir ses portes... Une pensée émue dans le TGV d'Angoulême pour deux immenses artistes : Delaby et Cavanna
— Editions Dargaud (@EditionsDargaud) January 30, 2014
Denis Robert préparait un film documentaire intitulé "Jusqu'à l'ultime seconde j'écrirai" sur Cavanna. Il lui rend hommage sur sa page Facebook. "Cavanna était un homme bon et supérieurement intelligent. Très drôle évidemment." dit-il ajoutant que "la raison du film est qu'on ne l'oublie pas et que les gens comprennent que Cavanna a sans doute été celui qui a le plus apporté à l'idée de liberté et de liberté d'expression dans ce pays. Plus que tous, plus que n'importe quel autre écrivain, pamphlétaire, ministres, philosophes... Plus important que tous les penseurs, journalistes, humoristes qui veulent faire "bête et méchant". Il n'y avait pas un gramme de haine en lui. Jamais."
Réactions politiques
- Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a écrit de son côté dans un communiqué : "Cavanna fut le père de l'humour satirique de la deuxième moitié du XXe siècle, inspirateur de la presse satirique moderne. Fondateur de Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo, son humour râpeux et caustique irrita souvent, enchanta parfois, sans laisser quiconque indifférent, contribuant ainsi, avec verve et justesse, à l'énergie du débat démocratique. Homme de presse, homme de communication, homme de convictions, Cavanna fut aussi un écrivain reconnu, particulièrement prolixe, un amoureux de l'alchimie des mots destinés à raconter des histoires simples."
- François Bayrou, président du MoDem : "La mort de Cavanna suscite chez beaucoup d'entre nous un grand mouvement de tendresse. La silhouette, la voix, l'allure, le trait de plume, et le mot indestructible, tout cela a profondément influencé les trois dernières décennies. Il a été à l'origine d'un changement profond dans l'audace et dans la conception même du journalisme et du patron de journal. Ce qui était frappant chez Cavanna c'est qu'il n'avait pas peur, peur de rien et peur de personne, sans doute parce qu'il avait traversé la plus grande tragédie du siècle. Il a été pour des générations un point de repère et une raison de rire libre. Au fond, le combat et la tendresse n'étaient pas dissociables" (déclaration à l'AFP)
- Bertrand Delanoë, maire PS de Paris : "Véritable pionnier de la presse satirique d'Après-Guerre, il avait notamment fondé en 1960 avec le Professeur Choron - alias Georges Bernier - le très irrévérencieux mais salutaire journal Hara-Kiri, dans une France peu coutumière d'une telle liberté de ton. Touche-à-tout de talent, irrespectueux bienveillant et doté d'un exceptionnel sens de l'ironie, François Cavanna , à qui on doit aussi la création de Charlie Hebdo, était avant tout un inlassable chantre de la liberté, amateur de bons mots et amoureux de la vie". (communiqué)
- Jacques Martin, maire (UMP) de Nogent-sur-Marne : "Au-delà des positions 'd'indigné' avant l'heure, il restera pour moi le grand défenseur des valeurs républicaines et de la langue française. Pour nous à Nogent et pour les Nogentais d'origine italienne, nous resterons marqués par son oeuvre d'écrivain avec notamment 'les Ritals' en 1978 (...) Nogent gardera dans son coeur ce petit Italien devenu notre fierté par son parcours atypique mais ô combien riche et humaniste. François Cavanna , un grand Monsieur qui a servi d'exemple aux Nogentais, et aux Français, issus de l'immigration. A Nogent, nous sommes tristes, il nous manque déjà !" (communiqué)
- Christian Favier, sénateur et président (PCF) du Val-de-Marne : "François Cavanna était avant tout un grand humaniste, un homme de lettre tendre, pétillant et impertinent. Avec son roman 'Les ritals', inspiré de son enfance au sein de la communauté immigrée italienne à Nogent-sur-Marne, il a donné à la banlieue, à cette banlieue qui deviendra plus tard le Val-de-Marne, de véritables lettres de noblesse populaire. Son humour, ses coups de gueule et son humanité vont beaucoup nous manquer (...) Restent une longue vie bien remplie, une oeuvre marquante et le souvenir d'une moustache d'où sont sortis tant de beaux mots." (communiqué)
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