Bernard Pivot : le Goncourt à Tunis, pour la démocratie
Après les attaques "abominables" du Bardo (22 morts) et de Sousse (38 morts, en juin), l'Académie Goncourt est venue dire aux Tunisiens et à leur démocratie naissante : "Soyez fermes, les principes de liberté de pensée, d'écrire et de parler sont essentiels", ajoute l'ancien journaliste, qui a profité de cette visite pour aller à la rencontre de lycéens tunisois.
Pourquoi ce choix, inédit, de la Tunisie ?
Nous sommes très sensibles aux autres pays où l'on pratique la langue française, où il y a de la littérature française. Nous étions allés il y a deux ans à Beyrouth. Aujourd'hui, à Tunis, dans un pays qui a été la victime de deux attentats abominables en début d'année, nous sommes venus dire : "Tenez-bon, on est avec vous." C'est une manière très symbolique mais très sincère de dire à tous ces gens qui parlent deux langues, l'arabe et le français : "Vous vivez une période difficile mais la France pense à vous, notamment les écrivains, les journalistes, les professeurs, les étudiants. Soyez fermes. Les principes de liberté de pensée, d'écrire, de parler sont essentiels."
Le choix du Bardo était-il dès lors incontournable ?
En mars, la tyrannie a retiré la vie de 22 personnes dans ce lieu de culture. C'est-à-dire qu'on a retiré la vie à ces personnes tout simplement parce qu'elles avaient de la curiosité pour la culture, pour l'art. Nous allons dans une salle du musée pour voter -c'est un acte démocratique, le vote- et nous annonçons les quatre derniers candidats. (...) Je crois que c'est important, même si c'est symbolique. On vit de symboles, il faut s'accrocher aux symboles. Je pense que l'Académie Goncourt est dans sa légitimité quand elle fait ce genre de voyage.
Quel est le profil des prétendants à ce Goncourt 2015 ?
Je trouve qu'on a une très bonne rentrée littéraire, meilleure que l'année dernière, à mon goût. Nous aurons bien des difficultés à trouver un prix Goncourt parce qu'il y a abondance de talents. Pour le reste, la seule singularité de la liste de cette année, c'est qu'elle est très tournée vers l'Orient, soit par ses auteurs, soit par ses sujets. Nous ne le savions pas quand nous avons décidé de venir en Tunisie. Les écrivains maghrébins apportent leur musique, leur perception du monde, leur singularité à la littérature française. Il y a bien entendu une dimension pédagogique là-dedans. Tout lecteur entre dans le monde par une autre porte avec la littérature. La littérature n'est pas seulement de divertissement, elle est aussi de connaissance des autres. Peut-être que la France n'a pas assez porté attention à ces écrivains venus d'ailleurs, de l'Afrique, du Québec, des Antilles aussi. Je pense que ça compte de plus en plus.
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