"Savoir et faire : la terre", un matériau sous toutes ses formes, chez Actes Sud
Actes Sud publie "La terre", deuxième livre de la collection "Savoir & faire" après "Le bois". En près de 450 pages, vous saurez tout sur la terre, un des quatre éléments, que depuis des millénaires on cultive pour se nourrir, on façonne pour fabriquer des objets utilitaires, pour construire des maisons ou qu'on utilise pour créer des œuvres d'art.
L'ouvrage et chacune de ses sections sont introduits par Hugues Jacquet, sociologue et historien spécialisé sur les savoir-faire. "A la différence de la pierre, du bois ou du métal, cette matière première est toujours saisie à pleine mains (…). Elle provoque l'adhésion, se refuse à la distance et ne laisse aucun interstice entre celui qui la manipule et son environnement", dit-il de la terre. Après, de nouveau, elle active "à sa seule vue l'envie de la prendre en main", ajoute-t-il, prenant l'exemple d'un bol en grès. Il souligne par ailleurs le fait que "la céramique artisanale, amateur ou professionnelle, continue d'exercer un attrait important". Sans doute justement pour ce rapport charnel à la terre.
Des entretiens avec des artistes
La terre est désormais matière à création car, explique Hugues Jacquet, avec l'industrialisation de la céramique au XIXe siècle, est née une céramique d'art et les liens se sont développées entre céramistes et artistes d'avant-garde, des fauves à Joan Mirò, Antoni Tàpies, Lucio Fontana ou Pablo Picasso. Et aujourd'hui Miquel Barcelò, dont le rapport à la terre est tellement charnel qu'il s'y est confronté de tout son corps, dans la performance "Paso Doble", où avec le chorégraphe Josef Nadj il crée en direct sur scène.Une partie importante du livre est consacrée à des entretiens avec des artistes. Le designer Aldo Bakker, qui crée de fines porcelaines teintées dans la masse aux formes élancées, raconte son rapport avec ce matériau : la porcelaine, dit-il "respecte les formes (qu'il) crée, elle n'interfère pas".
Du design au land art
Guillaume Bardet, designer lui aussi, raconte son travail avec les céramistes de Dieulefit et son projet fou, "L'usage des jours" : pendant un an, il a dessiné chaque jour un objet qu'il a fait réaliser par une équipe d'artisans de cette petite ville de la Drôme.L'architecte Christian Biecher, lui, a imaginé des carrelages, des meubles et, à Sèvres, une espèce de vase en porcelaine blanche qui, "par accumulation", se transforme en claustras.
La terre, évidemment, intéresse aussi le land art : Andy Goldsworthy, une de ses principales figures, aime particulièrement l'argile : il réalise des murs ou des sols en terre craquelée, manière de dire que ces murs ou ces sols font "partie de la nature". Il aime la fragilité de cette matière, son évolution quand elle sèche, ses fêlures.
Une histoire de la céramique
Pierre-Marie Giraud, collectionneur et galeriste à Bruxelles, parle de son amour de la céramique, de sa place sur le marché, et commente des œuvres de quelques artistes qu'il aime, accompagnée de magnifiques photos. Car si le texte est important et dense dans cet ouvrage, il est ponctué de très belles images. Il y a encore les grès pliés ou incisés du Mexicain Gustavo Pérez, céramiste qui fait lui-même ses pièces, huit heures par jour, avec trois assistants.Dans sa partie la plus encyclopédique, le livre aborde l'histoire de la céramique, son évolution avec le perfectionnement des techniques, des terres cuites antiques à la faïence, de la porcelaine importée de Chine. Une histoire technique et esthétique, avec des coups de projecteur sur l'histoire de la porcelaine dans les collections du musée national Adrien-Dubouché de Limoges. Et sur la céramique moderne et contemporaine des Anglais et des Américains, qui, selon le céramiste Emmanuel Boos, entretiennent une relation privilégiée avec leur sous-sol et l'art de la terre. De Bernard Leach, "gourou de la céramique moderne", potier en chemise et cravate, à Grayson Perry, premier potier travesti à avoir reçu le Turner Prize, ou bien encore les porcelaines minimales d'Edmund de Waal.
Terre et architecture
La terre sert aussi à construire "un abri", encore aujourd'hui pour les deux tiers de l'humanité, raconte Hugues Jacquet. La brique crue ou cuite se retrouve aux quatre coins du monde, avant d'avoir été un peu méprisée à l'époque moderne. Thierry Joffroy, architecte-chercheur, nous livre une histoire des architectures de terre crue, avec des exemples en France, au Mali, en Haïti.L'essentiel du livre est consacré aux aspects artistiques de l'utilisation de la terre. Mais pour finir, il nous parle des applications technologiques de la céramiques et enfin d'écologie, par exemple de la fertilité et de l'appauvrissement de la terre avec les ingénieurs agronomes Lydia et Claude Bourguignon, spécialistes des sols.
"Savoir & faire : La terre", ouvrage collectif sous la direction de Hugues Jacquet (Actes Sud, 464 pages, 49 €)
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