À Lyon, l'incroyable découverte d'un poème manuscrit de Louis Aragon par un marchand d'art
Cet expert d'art lyonnais a acheté le manuscrit autographe de l'écrivain intitulé "Lyon-les-mystères". L'occasion de rappeler les années lyonnaises et drômoises du poète et de sa femme Elsa Triolet pendant la Résistance.
À ses yeux, ce fragile morceau de papier pelure est un véritable trésor. Il faut dire que Julien Paganetti est marchand d'art à Lyon, spécialisé dans les manuscrits autographes rédigés par les grands noms de la littérature. Et sur cette feuille justement, c'est celui de Louis Aragon (1897-1982) qui est tracé à l'encre bleue. Lyon-les-mystères, un poème écrit au printemps 1943, extrait du recueil La Diane française.
Un texte émouvant
Interviewé dans une enquête approfondie de nos confrères du Progrès, Julien Paganetti raconte qu'il a fait l'acquisition de ce poème au printemps 2022 auprès d'un collectionneur. Un manuscrit presque sans ratures, authentifié, pas originel vraisemblablement, recopié par l'écrivain lui-même. Lyon-les-mystères narre l'ambiance qui régnait dans la capitale de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale.
Pour le spécialiste des grands auteurs des siècles passés, ce document est d'autant plus bouleversant qu'il est rare. "Je suis toujours ému de découvrir des moments d'histoire, des moments de la littérature qui arrivent dans mes mains, me dire qu'Aragon a touché le papier que je touche en ce moment, c'est émouvant, oui", confie l'expert.
Un lien avec Bertrand Tavernier
Le poème a été écrit en 1943 à Lyon sur les hauteurs du quartier de Montchat, au 4 de la rue Chambovet dans le troisième arrondissement. Louis Aragon et sa compagne Elsa Triolet y sont cachés par le père du cinéaste Bertrand Tavernier dans une maison aujourd'hui détruite. À l'époque, le lieu clandestin accueille le comité national des écrivains de la zone sud. Maria Berlioz est passionnée par leur histoire. "Ils sont arrivés dans la maison de René Tavernier où ils ont été reçus avec Albert Camus", raconte-t-elle.
Durant son séjour à Lyon, Aragon écrit deux de ces chefs d'œuvre : Il n'y pas d'amour heureux et Aurélien. Comble de la présence clandestine du poète à Lyon, aucune rue de la capitale des Gaules ne porte le nom de Louis Aragon.
Refuge dans la Drôme
À l'été 1943, Louis Aragon et Elsa Triolet ne sont plus en sécurité à Lyon. Le réseau des Résistants FTPF leur trouve finalement un refuge à Saint-Donat, au nord de la Drôme, où ils séjournent 14 mois entre 1943 et 1944 sous les pseudonymes d’Elisabeth et Lucien Andrieux.
"Physiquement, ils sont isolés, ils ne voient personne mais ils sont en lien avec d'autres résistants et ils font souvent des voyages à Lyon ou à Paris", raconte encore Maria Berlioz. Ils passaient pour des réfugiés, comme de nombreuses familles dans la région. Quelques très rares personnes connaissaient leur véritable identité.
En clandestinité, le couple poursuit son son œuvre d'écrivains. Aragon achève son roman Aurélien et rédige les nouvelles du recueil Servitude et Grandeur des Français, et les poèmes rassemblés dans La Diane française ou Le Musée Grévin. Elsa Triolet écrit un recueil de nouvelles publiées en 1944 sous le titre Le premier accroc coûte deux cents francs qui lui a valu le Prix Goncourt le 3 juillet 1945 au titre de l'année 1944. C'est la première fois que le prestigieux prix est remis à une femme.
Durant l’été 1944, ils publient dans des éditions ou revues clandestines et il créent aussi un journal, La Drôme en armes dans lequel Elsa a manifestement joué un rôle essentiel.
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