Le marché mondial de l'art bascule sur internet, avec un retour en force de l'Asie

Le chiffre d'affaires est en baisse, malgré un record de transactions majoritairement en ligne, et les artistes féminines s'imposent. À l’instar de la Japonaise Yayoi Kusama présente dans le top 10 des artistes les plus valorisés.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
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Une femme admire les œuvres d'art de l'exposition de l'artiste japonaise Yayoi Kusama intitulée "You, Me and the Balloons" dans la galerie Aviva Studios à Manchester, dans le nord-ouest de l'Angleterre, le 29 juin 2023. (OLI SCARFF / AFP)

Les ventes aux enchères d'œuvres d'art dans le monde sont en recul : elles ont totalisé 14,9 milliards de dollars (-14%) en 2023, selon le rapport annuel d'Artprice publié mercredi 6 mars. "Cette baisse du produit des ventes Fine Art (peinture, sculpture, dessin, photographie, estampe, vidéo, installation, tapisserie et NFT) masque un record absolu d'adjudications (763 000), en hausse de 5%, avec une explosion de celles de moins de 1 000 dollars (423 000) et une hausse de 285% des ventes en ligne", explique à l'AFP Thierry Ehrmann, à la tête de cette société, leader mondial de l'information sur le marché de l'art.

Le marché "a clairement basculé sur internet, porté par de nouveaux acheteurs dont l'âge moyen est passé de 63 à 41 ans en 22 ans, même pour des maisons de vente qui avaient une phobie du numérique et rivalisent aujourd'hui sur la toile au détriment des ventes en salle, vouées à disparaître", ajoute-t-il.

Les ventes ont "redémarré fortement en Asie, mais décliné en Occident, où celles supérieures à 50 millions de dollars ont chuté", détaille Thierry Ehrmann. L'art moderne (artistes nés entre 1860 et 1919) arrive en tête avec 40% du chiffre d'affaires global, suivi de l'art d'après-guerre (1920-1944) avec 25%, l'art contemporain (après 1945) avec 17%, l'art ancien (avant 1759) avec 9% et le XIXe siècle (1760-1859) avec 8%.

Percée indienne

Le marché américain reste leader avec 5,2 milliards de dollars de ventes (-28% toutefois, faute de grandes collections privées dispersées). La Chine, deuxième, renoue avec ses performances pré-Covid, avec 4,9 milliards de dollars (+4%) et le renforcement de Hong Kong comme place forte du soft-power chinois.

Dans les autres pays d'Asie, les disparités sont fortes : le Japon perd 22% de chiffre d'affaires et la Corée du Sud 49%, tandis que l'Inde affiche un record avec 152 millions de dollars (+76%) et des ventes essentiellement tirées par les grandes signatures indiennes du XXe siècle.

Avec 1,8 milliard de dollars (-15%), le Royaume-Uni reste troisième, toujours en recul depuis le Brexit. La France, qui totalise 875 millions de dollars de ventes (-11%), se maintient quatrième, avec une progression significative du nombre d'œuvres millionnaires (environ +80% comparé aux années 2011-2014).

Suivent l'Allemagne (372 millions de dollars), l'Italie (197 millions), la Suisse (125 millions), qui enregistrent des résultats "stables", la Belgique (69 millions) et l'Espagne (27 millions), qui progressent respectivement de 21 et 31%. C'est une artiste femme, Amrita Sher-Gil (1913-1941), qui détient le record indien avec la peinture The Story Teller (1937), emportée à 7,4 millions de dollars.

Présence accrue des femmes, essor des NFT

L'année 2023 enregistre la montée en puissance des artistes femmes. Cinq entrent dans le Top 50 mondial des artistes les plus valorisés : Yayoi Kusama (189,7 millions de dollars), Joan Mitchell (112,6 millions), Georgia O'Keeffe (56,2 millions), Louise Bourgeois (50,2 millions) et Cecily Brown (46,6 millions). Le nombre de transactions les concernant a triplé en dix ans. Le nombre d'œuvres millionnaires s'élève à 206, contre 80 en 2013.

Yayoi Kusama gagne la huitième marche du Top 10, entre René Magritte et Gustav Klimt, derrière Pablo Picasso (1881-1973), Jean-Michel Basquiat (1960-1988), Zhang Daqian (1899-1983), Gerhard Richter (1932), Andy Warhol (1928-1987) et Claude Monet (1840-1926), et devant Qi Baishi (1864-1957).

L'an passé marque aussi l'ancrage des NFT (certificats d'authenticité numérique) dans les musées (LACMA et MoMA aux États-Unis, Centre Pompidou en France), où ils "deviennent les produits dérivés naturels, comme au British Museum ou au Louvre", selon Thierry Ehrmann.

Les maisons de vente les ont également intégrés. Christie's s'est associée à la maison de mode Gucci pour une vente en juillet. Sotheby's a ouvert sa première plateforme d'art assisté par des intelligences artificielles, avec 500 œuvres de la dernière série de NFT de Véra Molnár, pionnière de l'art digital décédée en décembre.

Après avoir enregistré une chute spectaculaire en 2022 suite au krach des cryptomonnaies, le marché des NFT rebondit à 22,7 millions de dollars (+64,6%). Le Ringers #879 (The Goose) de Dmitri Cherniak atteint 6,2 millions de dollars.

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