Jeux annulés, grèves, chute en bourse : le géant français du jeu vidéo Ubisoft dans la tourmente
Entre l'annulation de jeux et un appel à la grève inédit de l'ensemble de son personnel en France, le colosse vidéoludique Ubisoft encaisse une période de crise depuis l'annonce mi-janvier de l'abaissement de ses prévisions financières pour l'ensemble de l'année 2022-2023.
L'entreprise Ubisoft, à l'origine des jeux prévus pour 2023 Assassin's Creed : Mirage et Avatar : Frontiers of Pandora, semble traverser une importante période de crise. Vendredi 27 janvier, le syndicat des travailleurs et travailleuses du jeu vidéo (STJV) et Solidaires Informatique lançait un "appel à la grève" de toutes les entités françaises d'Ubisoft. Cela pour dénoncer les pratiques managériales de l'entreprise et les conditions de production des jeux.
De mémoire de syndicaliste, c'est la "première" grève d'une telle ampleur de l'histoire d'Ubisoft, depuis la création en 1986 de l'éditeur, souligne auprès de l'AFP Marc Rutschlé, salarié d'Ubisoft à Montreuil et représentant de section syndicale chez Solidaires Informatique.
Des "ajustements structurels" en cause
Le point de départ de ce rassemblement des employés d'Ubisoft ? Un mail interne du PDG Yves Guillemot, évoquant "des ajustements structurels" à venir, révélé par le site spécialisé Kotaku le 11 janvier dernier (article en anglais). Une phrase de ce dernier avait mis le feu aux poudres : "La balle est dans votre camp afin de délivrer le line-up (les jeux annoncés pour cette année, ndlr) prévu en temps et en heure au niveau de qualité attendu, afin de prouver à tout le monde ce que nous sommes capables de faire."
"Pour nous, cela veut dire des plans de licenciements. Sachant qu'on nous met la pression en disant que c'est à nous de faire mieux", fustige Marc Rutschlé. Dans leur communiqué, les syndicats réclament notamment "l'ouverture de négociations salariales".
Un scandale de harcèlement visant plusieurs anciens cadres de l'entreprise, qui compte 18 000 salariés dans le monde, a aussi laissé des traces, érodant la confiance des salariés envers leur direction. "Au moment de la tentative de rachat par Vivendi (en 2015), les équipes se mobilisaient pour éviter que Bolloré rachète Ubisoft. Si cela arrivait aujourd'hui, je ne pense pas qu'il y aurait de mobilisation", avance Marc Rutschlé.
Une chute en bourse et des jeux reportés
Sur le plan financier, Ubisoft a révisé à la baisse son objectif de croissance de chiffre d'affaires sur 2022-2023, avec des ventes en baisse "de plus de 10%" par rapport à l'année précédente, alors qu'il avait initialement communiqué un objectif de croissance "supérieure à 10%". Conséquence directe , le cours de son action est revenu à ses plus bas niveaux, équivalents à ceux de 2015-2016.
"Ubisoft ne convainc pas", explique à l'AFP Charles-Louis Planade, analyste chez Midcap Partners. "Il y a une défiance claire au niveau du management, eu égard aux nombreux avertissements sur les résultats mais aussi par l'accord réalisé par la famille Guillemot avec Tencent". En effet, la famille Guillemot, fondatrice du champion français du jeu vidéo a scellé début septembre une alliance avec le géant chinois Tencent pour sécuriser son emprise sur Ubisoft, dans un marché du jeu vidéo en pleine stabilisation après-Covid.
Autre élément en sa défaveur: l'énième report du jeu Skull and Bones, initialement prévu pour novembre 2022, tandis qu'Ubisoft a également indiqué avoir arrêté le développement de trois projets "non annoncés", en plus des quatre arrêts déjà effectués en juillet 2022.
"Ce n'est pas un cas unique sur le secteur, notamment à cause du Covid, mais on a l'impression que chez Ubisoft c'est beaucoup plus marqué que chez les autres éditeurs", souligne encore Charles-Louis Planade. "Après il ne faut pas oublier que la mémoire du marché est courte. Si le groupe sort une année extraordinaire l'année prochaine ou celle d'après, tout le monde aura oublié", ajoute-t-il.
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