: Interview Menaces sur la tenue des festivals durant les JO 2024 : les solutions envisagées par le directeur des Vieilles Charrues
Le secteur musical et les divers festivals de l'été restent dans l'expectative après une première réunion au ministère de la Culture. Le directeur des Vielles Charrues nous confie ses inquiétudes et ses préconisations pour 2024.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a évoqué fin octobre la nécessité que soient "annulés ou reportés" des évènements culturels ou sportifs à l'été 2024, en raison de la mobilisation massive des forces de l'ordre pour les JO (26 juillet au 11 août). La ministre de la Culture Rima Abdul Malak a reçu les organisateurs des grands festivals/concerts et les syndicats des branches concernées mercredi 2 novembre. Jérôme Tréhorel, le directeur général du festival de musique "Les Vieilles Charrues" qui a lieu dans le Finistère, a assisté à cette réunion. Il explique les solutions envisagées pour la sécurisation des festivals et ainsi éviter les annulations.
Franceinfo: qu’avez-vous demandé à la ministre de la Culture Rima Abdul Malak lors la réunion organisée avec elle mercredi ?
Jérôme Tréhorel : on a demandé qu’il n’y ait pas de réquisition d’agents de sureté provenant d’entreprises privées, ce qui nous mettrait en difficulté sur nos organisations. Concernant les mesures d’annulation ou de report, nous avons demandé s’il y avait une règle unique étendue sur tout le territoire français, ou s’il y avait une différenciation en fonction des territoires qui accueillent ou non des disciplines olympiques. Pour le coup, en Bretagne nous n’avons pas d’infrastructure olympique aux abords du festival de prévu.
Quelles sont les solutions envisagées pour éviter l’annulation ou le report des festivals ?
Il peut y avoir un recours plus important à des agents de sûreté privés, si c’est une piste qui convient au préfet. Il faut surtout qu’une mutualisation des forces mobiles ait lieu pour nos événements soumis à la "vigilance attentat". Il peut aussi y avoir des forces complémentaires mises à disposition par l’Etat pour l’organisation des Jeux. La ministre de la Culture est en phase de concertation avec le ministère de l’Intérieur. L’idée c’est qu’on arrive tous à travailler chacun à nos échelles afin de trouver des solutions au cas par cas pour tous les festivals. Il n’y a pas de solution générale proposée à ce stade.
Et très concrétement pour les "Vieilles Charrues" comment faisiez-vous jusqu'à présent ?
On accueille 70 000 personnes par jour pendant le festival. On utilise largement les entreprises privées à l’intérieur du site, sur les parkings, les campings et les extérieurs. On a une dérogation au niveau de la voie publique avec une centaine d’agents de sureté qui canalisent les flux de circulation aux abords du festival.
La sécurité du festival n’a pas le même rôle et les mêmes missions que les gendarmes, ce ne sont pas les mêmes moyens. On a largement contribué pour être autonomes dans notre organisation, afin d’alléger les missions des services de l’Etat. D’autres festivals utilisent d’avantage les services de pompier ou de gendarmerie. Nous, on s’en sort très bien depuis des années en collaborant avec le préfet et la gendarmerie.
Il faut rappeler qu’en 2016, lorsqu’on a organisé nos évènements, on était en pleine période d’attentat entre le Bataclan et Nice. Il y avait l’Euro de foot organisé en France à ce moment-là. On a trouvé des solutions en revoyant notre organisation en matière d’accueil du public et de sécurité.
Quels seraient les conséquences d’une annulation ?
L’annulation n’est pas priorisée par la ministre de la Culture. Elle l’a dit clairement en ouverture de réunion : "on est là pour trouver des solutions collectivement et on va les gérer au cas par cas". On a déjà des contrats qui sont en cours pour 2024 avec des offres artistiques déjà positionnées depuis plusieurs mois. Certaines tournées mondiales ne s’organisent pas 15 jours à l’avance. Les contrats restent en cours et ne sont pas encore validés, donc difficile de programmer avec cette incertitude.
L’Etat sait très bien les conséquences d’une annulation et les dommages collatéraux que ça provoquera. Ce sera comme il y a deux ans au moment du Covid. Avec les aides, l’Etat avait été à la hauteur de nos besoins, mais c’était exceptionnel. Le gouvernement avait compris l’importance pour les territoires de l’impact économique, social ou en terme de création d’emploi des festivals. Nous aider il y a deux ans pour nous sacrifier aujourd’hui, on ne comprend toujours pas. On est toujours pointé du doigt alors qu’il y a d’autres activités comme la Coupe de France de football. Chaque week-end dans les stades de Ligue 1 et 2, il y a toujours des forces mobiles qui interviennent de manière opérationnelle sur les flux et la sécurisation des abords.
D’autres rendez-vous sont-ils prévus avec la ministre de la Culture ?
La ministre de la Culture a dit vouloir faire le point avec des premières décisions autour de mi-décembre. De mon côté j’ai rendez-vous avec le préfet du Finistère la semaine prochaine. On va commencer à bosser de manière opérationnelle avec le préfet. On sait que le ministère va mobiliser les DRACS (directions régionales des affaires culturelles en région). On imagine que le ministère de l’Intérieur a déjà demandé une évaluation des besoins en forces mobiles auprès des différents préfets. On présentera des solutions, mais on espère qu’ils auront aussi réfléchi de leur côté. Ce n’est pas parce que les JO sont organisés que c’est aux festivals de trouver les solutions et de s’adapter seuls. Cela fait des années qu’on sait que les JO sont organisés en France, ce n’est pas un an et demi avant qu’on décide de supprimer les festivals et de les condamner.
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