JO de Paris 2024 : avant les Jeux, le skateboard rencontre un public d'amateurs d'art sur le parvis du Centre Pompidou

Installée sur le parvis de Beaubourg, l'œuvre du plasticien français Raphaël Zarka, fan de skate, a été conçue comme une place publique dont les 600 m2 et l'architecture sont propices aux rencontres entre différents publics.
Article rédigé par Mehdi Magueur
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Enfants, skateurs ou touristes en quête de repos se partagent la "Cycloïde Piazza", conçue comme une mini-place publique. (MEHDI MAGUEUR)

Un coup d'œil à gauche, un autre à droite. Taha vérifie ses angles morts avant de s'élancer le long de la Cycloïde Piazza. Les deux pieds ancrés fermement sur sa planche, le jeune skateur parcourt la structure de 600 m2 imaginée par le plasticien et sculpteur français Raphaël Zarka.

La sculpture "skatable" est sortie de terre il y a tout juste un mois, dans le cadre de l'Olympiade culturelle déployée en marge des Jeux olympiques de Paris. Jusqu'au 15 septembre, l'œuvre devient ainsi l'attraction favorite des skateurs, des touristes, mais aussi des enfants sur la Piazza du Centre Pompidou, cette place située en face de l'établissement culturel.

La "Cycloïde Piazza", œuvre de l'artiste français Raphaël Zarka, est installée sur le parvis du Centre Pompidou jusqu'au 15 septembre 2024. (MEHDI MAGUEUR)

En cette chaude journée de juillet, de celles dont les rayons du soleil peinent à percer d'épais nuages, Taha, la vingtaine tout juste entamée, est le seul skateur à dévaler du haut de la Cycloïde Piazza. Selon le moment de la journée, il peut arriver qu'une dizaine d'entre eux occupe l'espace. Pour l'instant, leur absence fait le bonheur des enfants, qui courent, sautent, affrontent les premières épreuves de leur jeune existence. La plus grande aujourd'hui : cette marche de la Cycloïde Piazza trop haute pour leurs petits bras.

Ailleurs, en contrebas, un jeune couple se repose. "C'est un bon endroit pour se poser, parce que je me dis souvent que la place manque de bancs", fait remarquer Maya. Peu après le départ des jeunes amoureux, c'est au tour de Daniel de s'installer sur le gradin le plus élevé de la mini-place publique. De passage à Beaubourg, le féru d'art revient de la galerie Mitterrand, où sont exposées des œuvres de Raphaël Zarka.

Raphaël Zarka, passionné revendiqué de skateboard

"C'est là-bas que j'ai entendu parler de la Cycloïde Piazza. C'est tout à fait dans l'esprit de cet endroit d'être un lieu d'expression et de rencontres spontanées", salue le quinquagénaire. Comme pour la Cycloïde Piazza, les autres œuvres du sculpteur transpirent de son amour pour la géométrie, et plus particulièrement des courbes.

Toutes les variantes de glisse urbaine se retrouvent à la Cycloïde Piazza. Du BMX à la trottinette, en passant par les rollers, chacun s'approprie le lieu à sa façon, glissant sur les courbes pensées par Raphaël Zarka. La naissance de l'œuvre n'a rien d'un hasard. "Depuis de longues années, je m'intéresse à l'histoire de la géométrie, et parallèlement à l'histoire du skateboard", expliquait l'artiste de 46 ans lors de l'inauguration. Passionné de skate depuis son enfance et auteur d'ouvrages sur le sujet, il voit dans sa structure "la rencontre de ces deux histoires [la géométrie et le skateboard] qui fonctionnent un peu de la même manière, car tous les espaces de skateboard sont des espaces extrêmement géométriques".

Au premier regard, tout riverain jurerait d'ailleurs contempler un skatepark. "C'est notre rôle de rappeler qu'il s'agit d'une œuvre d'art avant toute chose", raconte Naïma, médiatrice culturelle au Centre Pompidou. Elle se relaie avec d'autres membres, reconnaissables à leur t-shirt jaune, pour faire vivre cet espace public et veiller sur son harmonie.

"Normalement, le lieu est pensé pour s'auto-réguler, le bon sens veut que les différents groupes, notamment les enfants et les skateurs, occupent l'espace en bonne intelligence, explique-t-elle. Il peut même nous arriver d'avoir le droit à des performances de parkour [technique de saut] ou de danse".

Cet après-midi, ceux qui espéraient repartir avec le souvenir gravé de figures spectaculaires s'en iront déçus. Seuls Taha et son skate assurent le divertissement. "C'est très cool comme endroit, il n'y en a pas beaucoup à Paris, surtout dans le sud de la capitale", juge celui qui a récemment recommencé à rouler. "Ça met un peu de pression de skater devant un public, mais tu passes au-dessus et les applaudissements sont la récompense", livre le jeune homme.

La Cycloïde Piazza, il l'a découverte dans la story Instagram d'un autre skateur. Savait-il qu'il skatait sur une œuvre d'art ? "J'ai lu les panneaux d'explication en arrivant. Il y a un certain kiff dans cette idée, ça se voit que c'est un connaisseur qui est derrière."

Tous les jours, des skateurs se relaient pour tâter les courbes de la structure, imaginée par Raphaël Zarka, sculpteur passionné de skateboard. (MEHDI MAGUEUR)

Longtemps cantonné au rayon des contre-cultures, le skateboard est devenu une discipline olympique depuis les derniers JO de Tokyo. Cette année, les épreuves se déroulent au parc urbain de la Concorde, à Paris, du 27 au 28 juillet, puis du 6 au 7 août. Une reconnaissance qui a nourri de nombreux débats dans les communautés qui gravitent autour de la discipline. D'un côté, les skateurs fiers de voir leur culture reconnue institutionnellement. De l'autre, ceux qui craignent que les valeurs du skate ne soient diluées dans celles des JO, compétition parfois critiquée par son format qui érige l'esprit de compétition et le culte du champion au-dessus de tout.

"C'est vrai que ce n'est pas qu'un sport, c'est une vraie culture. Moi, ça me fait plaisir de voir les JO à la télé au même titre que les autres sports", tranche Taha, avant de repartir tâter les courbes de la Cycloïde Piazza. Pour la suite, on ne connaît pas exactement le destin de la structure. "Peut-être qu'un lieu culturel la récupérera, mais sa durée de vie n'est probablement que de deux ou trois ans. Il faudra ensuite la démonter", prédit Naïma. Pour découvrir l'œuvre sur le parvis de Beaubourg, accessible à tous les publics, les curieux auront jusqu'au 15 septembre 2024.

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