: Interview JO 2024 : "J'ai vu de l'inclusion, de la diversité, j'ai vu la France", se félicite Vinii Revlon qui transforme le Parc des champions en "ball voguing"
Jeudi 1er août, le Parc des champions situé dans les jardins du Trocadéro était en folie pour accueillir le premier ball voguing de l'histoire des Jeux olympiques. Dans le cadre de l'Olympiade culturelle, le site permet à trois chorégraphes de renom de créer un pré-show de 15 minutes. Angelin Preljocaj propose un défilé entre inspiration classique et électro, interprété par 40 danseurs de son ballet, Mourad Merzouki créé un défilé chorégraphique hip-hop, et le danseur de la communauté ballroom Vinii Revlon apporte le premier ball voguing des Jeux olympiques.
Plus qu'une danse, le voguing est un mouvement. Celui de la communauté ballroom créée aux États-Unis dans les années 1960 par des femmes trans, noires et latino. Dès ses origines, le style s'impose comme une revendication symbolique, un cri de liberté pour la communauté LGBTQIA+, souffrant d'une double discrimination.
Nikki Gucci, Mother de la House of Gucci, Keiona, gagnante de la deuxième saison de Drag Race France et membre éminente de la House of Revlon, ainsi que Dominique Hervieu, ancienne directrice de la Maison de la danse de Lyon et directrice de la culture des Jeux olympiques, composaient le jury d'exception pour ce ball.
Le public a pu assister à des battles de voguing remportées par la talentueuse Gigi Palmer, présente lors de la cérémonie d'ouverture des JO, ainsi qu'à des catégories de "runway", où les performeurs ont pu défiler dans des tenues en hommage aux sports des JO comme le tir à l'arc ou le judo.
À l'origine créé pour célébrer les sportifs médaillés et assister à la retransmission de compétitions, le Parc des champions est surtout l'occasion de vivre des moments d'émotions fortes. Il s'est transformé le temps de 15 minutes en compétition de voguing devant 13 000 fans. Nous avons rencontré son chorégraphe Vinii Revlon.
Franceinfo Culture : Comment vous est venue l'idée de faire un ball pendant les JO ?
Vinii Revlon : Le Comité olympique m'a contacté pour amener du voguing pendant les Jeux olympiques. Je trouve que c'est un moment de célébration et quoi de mieux qu'un ball pour se célébrer ? C'est vraiment le moment où la communauté ballroom tout entière se célèbre avec ses alliés. Je me suis dit que c'était le moment de le faire à grande échelle.
Dominique Hervieu, directrice de la culture des JO est déjà venue à des balls, elle a pu constater l'ambiance générale. Elle ne s'est pas contentée de voir des vidéos, elle a vu la célébration au premier rang. Ça a été comme une évidence, surtout quand j'ai vu que ça se déroulerait au Parc des champions aux pieds de la tour Eiffel.
Le ball ne dure que 15 minutes… Êtes-vous déçu d'avoir eu si peu de temps pour construire un spectacle ?
Pas du tout, 15 minutes, je trouve ça parfait, c'est un défi. C'est seulement deux catégories, ça va super vite. Ça permet de mettre l'eau à la bouche. Les gens qui voient ça voudront en voir plus, en revoir. Ils ne seront pas rassasiés et ça leur donnera envie de faire des recherches, de venir dans nos balls, là où il y a plus de catégories, où cela dure plus longtemps. C'est une forme de teaser. Ce n'était pas ma décision, chaque chorégraphe s'est vu attribuer 15 minutes. J'étais libre d'adapter ma production et j'ai décidé de faire un ball.
Avez-vous jugé important de montrer la culture ballroom pendant les JO à des personnes qui n'y connaissaient rien ?
C'est super important. Ce qui a rendu cette démonstration et cette exposition possible de nos cultures pendant ces JO a été déclenché par la cérémonie d'ouverture. Quand j'ai vu la cérémonie, j'ai vu de l'inclusion, de la diversité, j'ai vu la France. J'ai vu plein de mélanges, j'ai vu le métissage culturel. Je me suis dit, si à l'ouverture des JO, c'est la célébration des différences qui est véhiculée, le bal a toute sa place au Parc des champions.
Aujourd'hui, Paris est la capitale du voguing. N'oublions pas que le documentaire légendaire sur notre culture s'appelle Paris Is Burning (1991). À travers les JO, il y a des liens qui s'entremêlent. Pour moi, c'est super important de rendre cette communauté visible parce qu'il y a encore des gens qui se posent des questions sur leur identité, leur sexualité, et de voir des gens qui leur ressemblent, ça change des vies. Je pense aux jeunes qui s'interrogent sur eux-mêmes. Qu'ils voient des personnes auxquelles ils peuvent s'identifier, c'est très important. J'aurais aimé, moi, avoir des gens auxquels je pouvais m'identifier.
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Comment avez-vous vécu toutes les critiques et la haine diffusée après la cérémonie d'ouverture ?
C'est sans surprise malheureusement. Autant il y a eu beaucoup de haine de déversée et de personnes qui ont crié au scandale, autant il y a eu énormément de critiques positives. Des personnes en ont pleuré ! C'est sur ça qu'il faut se concentrer.
La Terre continue de tourner et on ne peut pas s'arrêter justement parce que beaucoup de personnes se sont battues pour qu'on puisse être là et s'exprimer. Ces critiques me passent au-dessus. Tout le monde n'a pas cette capacité à le faire et je le comprends. J'essaye de faire relativiser et d'apporter de la positivité à ma communauté. Il faut s'attarder sur les choses qui nous font avancer.
Avez-vous l'impression que les représentations dans le sport ne permettent pas à certains sportifs d'assumer pleinement leur identité ?
Aujourd'hui, on le sait, être athlète de haut niveau et faire partie de la communauté LGBTQIA+, c'est encore compliqué, surtout de pouvoir le dire haut et fort. J'aimerais que ça change. Chacun devrait être libre d'être qui il est et d'aimer qui il veut, sans que ça impacte négativement sa carrière.
Même si certains athlètes revendiquent leur identité, il en faut plus. C'est aussi pour ça que les membres de la House of Revlon et la House of Gucci représentent un sport des JO à travers leur costume. C'est un message pour dire aux athlètes : on est comme vous et on est libres d'être qui on veut. C'est ce que chacun doit être capable de faire sans regrets et sans peur. J'aimerais que ça ne devienne plus un sujet. Il n'y a pas de coming out hétéro, il ne devrait pas y en avoir du tout.
Souhaiteriez-vous que les danses urbaines, dont le voguing, soient plus reconnues et institutionnalisées comme des sports à part entière ?
Non, je ne le souhaite pas. Le voguing doit être saupoudré auprès du grand public. C'est une culture qui doit être faite par nous, pour nous. Lorsque beaucoup de personnes extérieures mettent la main dessus, on tombe vite dans l'appropriation culturelle. C'est difficile de tout surveiller. Il peut devenir très facile d'apprendre des pas de voguing à des danseurs professionnels qui ne connaissent rien à notre communauté, et ce n'est pas acceptable. Il faudrait discuter autour d'une table des pour et des contres, et je ferai évidemment partie des discussions. C'est un grand débat.
Le premier ball voguing des JO par Vinii Revlon, jeudi 1er, mardi 6 et jeudi 8 août à 17h30, et le défilé chorégraphique hip-hop de Mourad Merzouki lundi 5 et mercredi 7 août à 17h30, jeudi 8, vendredi 9 et samedi 10 août à 15h au Parc des champions, au Trocadéro, gratuit et ouvert à tous, dans le cadre de l'Olympiade culturelle.
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