Des réfugiés et des migrants, formés à la couture par La Fabrique Nomade, créent une capsule en collaboration avec Agnès b. et Le Slip Français
L'association La Fabrique Nomade, la marque Le Slip Français et la créatrice de mode Agnès b. ont uni leurs savoir-faire autour d'une capsule solidaire fabriquée par des couturiers réfugiés et des migrants. Explications.
La marque Le Slip Français a engagé ce printemps 2021 un partenariat avec La Fabrique Nomade, une association qui agit pour l'insertion professionnelle des artisans d'art réfugiés et des migrants régularisés en France. L'idée : produire une collection réalisée à Paris. Agnès b., marraine de cette capsule solidaire, a proposé de l’illustrer aux couleurs des dessins de Jacques Floret.
Quatre couturiers de l'atelier de confection textile de La Fabrique Nomade ont ainsi réalisé 3400 pièces - des bandanas en voile de coton cousus main et des tabliers en toile de coton - commercialisées à partir du 13 octobre. Découverte de La Fabrique Nomade et rencontre avec Mamadou Diaby, un des quatre couturiers du chantier d'insertion de cette association.
"8000 offres d'emploi dans le textile qui ne sont pas pourvues"
Cette initiative engagée vise à soutenir l’emploi et la formation dans un secteur sous tension. "On voit bien que tout le monde a envie de fabriquer localement sauf qu'il n'y a pas cette capacité à fabriquer aujourd'hui : c'est 8000 offres d'emploi rien que sur le site de Pôle emploi dans le textile qui ne sont pas pourvues", constate Guillaume Gibault, le président de la marque Le Slip Français.
Pourtant "les femmes et les hommes auront toujours besoin de s'exprimer avec leur culture, leurs traditions et leur savoir-faire", rajoute la créatrice Agnès b., qui oeuvre pour une mode engagée, durable et responsable, et pour qui la préservation de ces savoir-faire, le fabriqué en France et la solidarité sont des valeurs clefs.
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50 artisans représentant 20 savoir-faire déjà formés
En 2016, Inès Mesmar fonde La Fabrique Nomade, une association qui agit pour l’insertion professionnelle des artisans d’art réfugiés et des migrants en France. Elle développe un dispositif de formation qui leur permet de valoriser leurs compétences et d’adapter leur savoir-faire au marché français et crée la première certification professionnelle pour les artisans d’art migrants. L'entreprise dispose d'une conseillère d'insertion professionnelle chargée du travail d'accompagnement vers l'emploi.
L'association est installée au Viaduc des Arts où se trouve ses ateliers, sa boutique et ses bureaux. Depuis ses débuts, elle a déjà formé 50 artisans représentant plus de 20 savoir-faire différents (couturier, bijoutier, menuisier, mosaïste...) issus de 28 pays du monde.
Favoriser la montée en compétences en vue d'une insertion durable
"Les couturiers que nous accompagnons ont exercé ce métier dans leur pays d'origine mais ils ont besoin de monter en compétences afin d'adapter leur savoir-faire au marché français. Par notre action, c'est plus qu'un emploi, c'est un réel avenir qui s'ouvre pour chaque couturier, comme pour l'industrie textile en plein renouveau", indique Inès Mesmar, la fondatrice de l'association.
"Nous nous sommes rendu compte que sur le territoire il y a de vraies demandes des entreprises qui fabriquent des vêtements et peinent à trouver des couturiers", insiste Ghaita Tauche-Luthi, la responsable communication. La Fabrique Nomade accueille des personnes qui étaient couturiers dans leur pays d'origine qu'elle "va accompagner pour qu'ils comprennent bien qu'elles sont les attentes des entreprises françaises, comment cela fonctionne ici".
Pour être mise en relation avec eux, La Fabrique Nomade est en contact avec "les structures d'hébergement, Pôle emploi, l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration et d'autres structures s'occupant de personnes migrantes. Mais nous n'accompagnons que des personnes qui ont un permis de travail sinon derrière on ne peut pas faire de l'insertion professionnelle", ajoute encore Ghaita Tauche-Luthi qui insiste : "ils doivent avoir des bases donc on fait un bilan technique pour les évaluer. La formation est gratuite mais n'est pas rémunérante. Il faut donc que l'envie soit là".
La Fabrique Nomade propose d'une part, une formation métiers d'art de neuf mois et d'autre part un chantier d'insertion destinés aux couturiers avec un CDD d'un an. Les deux formations font l'objet d'un suivi pour qu'ils puissent aller vers l'emploi. L'objectif : accompagner vingt couturiers à l'année via les chantiers d'insertion d'ici 2022.
"On ne va pas leur apprendre leur métier, ils le connaissent déjà"
"On ne va pas leur apprendre leur métier, ils le connaissent déjà, on va les accompagner pour monter en compétences et pour adapter leur métier à ce nouveau pays" insiste encore Ghaita Tauche-Luthi. Le but est qu'ils comprennent "comment cela fonctionne en France, qu'ils s'adaptent aux techniques et aux savoir-faire".
"L'année dernière, on a fait une première expérimentation pour aller encore plus loin dans l'insertion professionnelle des couturiers. Nous nous sommes rendu compte que c'était le métier le plus représenté parmi les personnes que l'on recevait. On a ainsi monté un chantier d'insertion uniquement consacré aux couturiers et nous les accompagnons pendant un an avec un CDD. Nous sommes comme une vraie entreprise de textile, nous avons plusieurs projets et c'est au responsable d'atelier et au responsable de production d'organiser le planning pour qu'il y ait toute l'année quelque chose à faire".
Mamadou Diaby : "ce n'est pas la même manière de travailler en Afrique qu'en France"
La production de la capsule - composée de quatre modèles de bandanas et d'un tablier - a commencé au printemps 2021. Tout au long de la fabrication, les couturiers ont bénéficié des conseils techniques des directeurs de production du Slip Français et d'Agnès b. "Tous les bénéfices de la vente sont reversées à l'association pour faire fonctionner le chantier d'insertion" précise Ghaita Tauche-Luthi.
D'origine ivoirienne, Mamadou Diaby est l'un des quatre couturiers du chantier d'insertion ayant participé à cette capsule solidaire. En Côte d'Ivoire, il découvre la couture grâce à sa mère qui travaille dans un atelier de confection. Ensuite, il monte ses propres ateliers dans plusieurs villes mais quand la guerre survient, il quitte son pays pour la France. "Je suis arrivé en 2014 mais, comme je n'étais pas encore régularisé, je travaillais à la maison à la confection de tabliers, de pochettes et je faisais des retouches".
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"Dès ma régularisation, j'ai décidé de continuer ce travail que j'avais pratiqué dans mon pays d'origine". C'est son assistance sociale qui le met en contact avec La Fabrique Nomade. "Après un test sur une chemise masculine en janvier 2020, ils m'ont accepté pour une formation d'une durée de 9 mois". Une formation que le couturier reconnaît nécessaire : "J'en avais besoin pour m'intégrer, pour acquérir les savoir-faire européens. En Afrique et ici, ce n'est pas la même manière de travailler. Le nom des outils, le patronage, les graduations, chez nous, on ne fait pas ça" indique-t-il avant d'ajouter "Une formation générale où l'on nous apprenait à parler le français, à reconnaître le nom des outils, et aussi comment s'intégrer dans une entreprise, à découvrir leur savoir-faire". Cette formation lui a permis d'obtenir un certificat, puis La Fabrique Nomade lui a proposé en février 2021 le projet de cette capsule solidaire.
Fort de cette expérience, Mamadou Diaby, déterminé, affirme : "désormais j'ai envie d'intégrer un atelier français pour développer encore mon savoir-faire".
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