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"Volubilis" du réalisateur Faouzi Bensaïdi : la fureur de survivre au Maroc

Ils ont 20 ans, ils s’aiment, et ils veulent s’en sortir. Malika et Abdelkader enchaînent les petits boulots dans l’espoir d’une vie meilleure. Très vite les deux Candide se retrouvent pris au piège d’une société marocaine où les puissants sont prêts à tout pour maintenir leurs privilèges. Le film "Volubilis" de Faouzi Bensaïdi décrit tous les ferments d’un nouveau printemps arabe.
Article rédigé par franceinfo - Cécile Laronce
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (ASC Distribution)

"Volubilis" est un pavé dans la piscine des ultra riches bling-bling du Maroc, bien loin des circuits touristiques. Dans les villas de ce Mulholland drive des mille et une nuits, il faut des bonnes pour récurer et des vigiles pour monter la garde. Malika et Abdelkader, mari et femme sont des proies toutes trouvées. Naïfs, consciencieux, obéissants, jeunes et innocents. Elle fait le ménage tandis que lui joue les gros bras dans une galerie marchande, et campe tel un soudard au pied d’un escalator dont il a fait son ring. 

  (ACS Distribution)

Une jeunesse condamnée à la servitude ou à la révolution 

Dès les premières secondes du film, on comprend que la beauté de Shérazade raphaélite de Nadia Kounda, va nous entraîner dans un monde plein de dangers. Abdelkader se consume d’amour pour sa belle, tout en tentant de garder la main sur son escalator qui va le pousser inexorablement vers la sortie. Dans "Volubilis", la violence des riches fait des ravages. Les descendants des sultans se sont mués en tristes vizirs. Ils molestent et humilient leurs employés. Leurs exactions filmées grâce aux smartphones sont instantanément partagées sur les réseaux sociaux entre "friends" de la haute. Puissants et mendiants se retrouvent pris au piège d’une société gangrenée par les inégalités sociales où les rapports de domination font loi : hyper-libéralisme économique, retour des conservatismes, école publique détruite, corruption. Dans ce monde binaire où l’on naît riche ou pauvre, les jeunes sans diplôme se retrouvent condamnés à la servitude ou à la révolution.   
  (ASC Distribution)

Meknès, retour au pays natal

Le réalisateur Faouzi Bensaïdi a tourné dans sa ville natale, Meknès.  Une ville délaissée, d’une beauté fanée. Il fait déambuler ses personnages sur les chemins de son école et de son passé. Faute d’intimité dans le logement familial étriqué, Malika et Abdelkader abritent leurs désirs inassouvis dans les cafés ou les parcs de Meknès. La cité romaine toute proche de Volubilis fournit un théâtre à la mesure des deux tourtereaux. C’est en fugitifs qu’ils errent, héros malgré eux d’un quotidien misérable.  

Filmer une comédienne devenue star

Nadia Kounda, la jeune comédienne héroïne du film ne songeait plus ou presque au cinéma, elle s’était éloignée du Maroc, partie vers d’autres aventures, étudiante au Canada. Le réalisateur avait gardé en tête cette moue sublime et innocente de femme fatale. Il est allé lui proposer le rôle outre-Atlantique. Grâce à "Volubilis", la voilà propulsée star en Egypte. L’Egypte, le Hollywood du cinéma du monde arabe !
Nadia Kounda
 (ASC Distribution )
Autour de la belle Malika, des personnages attachants et vulnérables que l’on aimerait sauver tellement ils semblent vrais, empêtrés dans leur tragédie personnelle : Mouhcine Malzi (Abdelkader) et Abdelhadi Taleb (Mostapha). Lui-même acteur dans le film, Faouzi Bensaïdi, passé par le théâtre, réalise avec "Volubilis" son cinquième film.

L'interview de Faouzi Bensaïdi par Cécile Laronce et Marie-Pierre Degorce

"Volubilis", un film de Faouzi Bensaïdi, 2017, sortie le 19 septembre 2018. 106 minutes. 
Avec Mouhcine Matzi, Nadia Kounda, Abdelhadi Taleb, Nezha Rahil, Faouzi Bensaïdi, Mouna Feitou.
Au Festival du film de Tanger 2018, le film a gagné 7 prix dont meilleur film, meilleure actrice, meilleur acteur. 

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