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"Tu ne tueras point", la guerre selon Mel Gibson

Après le succès de "Braveheart" (1995), avec cinq Oscars à la clé, Mel Gibson a été rabroué pour des partis pris de mise en scène excessivement violents dans "Passion" (2004) ou "Apocalypto" (2006) et une posture religieuse envahissante. Si les deux parties de l’équation sont toujours valides dans "Tu ne tueras point", d’aucuns lui reconnaissent des talents de metteur en scène indéniables.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Andrew Garfield dans "Tu ne tueras point" de Mel Gibson
 (Mark Rogers)

Héros

C’est la deuxième fois que Gibson aborde la guerre avec "Tu ne tueras point", après "Braveheart". Le conflit dans le Pacifique pour le premier, la lutte armée médiévale dans le second. Un point commun : la polarisation sur un personnage charismatique au centre de l’action. William Wallace, figure emblématique de l’indépendance écossaise du XIIIe siècle dans "Braveheart"; Desmond Doss, infirmier héroïque anti-violent de la Seconde guerre mondiale, dans "Tu ne tueras point". Une approche qui se vérifie dans ses autres films, de "L’Homme sans visage" (1993) à "Apocalypto", en passant par "La Passion du Christ". Tous, s’articulent autour d’un personnage d’exception : un sage défiguré, un guerrier défenseur de son peuple, le Christ.

Le héros est au centre de la filmographie de Mel Gibson. Qu’il soit inspiré de personnages réels (Wallace, Le Christ, Doss) ou de fiction (Justin McLeod, Patte de Jaguar). Réels ou non, ils sont toujours dépeints dans un contexte historico-sociologique primordial (la fin des années 60 américaines, l’indépendance écossaise, l'histoire du Christ, la fin de l’empire maya, aujourd’hui, la guerre entre les Etats-Unis et le Japon). A cet égard, Mel Gibson fait preuve d’une continuité dans le choix de sujets forts aux personnages exemplaires, emblématiques, à l’image de l’idée qu’il porte et prône d’une humanité prise dans des choix existentiels et idéologiques. Aussi est-il tout sauf un cinéaste de l’intime, même s’il prend toujours soin d’inclure dans ses films une part d’intimité, pour mieux signifier l’imbrication entre le particulier et le général, l’individuel et l’universel.

Fureur anti-violente

Cette continuité entre microcosme et macrocosme est synonyme de destin, par l’interaction de l’un avec l’autre, conditionnée par l’engagement pour une cause. "Tu ne tueras point" perpétue la règle. Elle se double, comme toujours chez Gibson, d'un discours sur la violence caractérisée par la cruauté des actes et leur visualisation sans concession, souvent qualifiée de complaisante. Gibson s’attarde sur l’impact des balles, les brûlés vifs, les chairs déchirées, les éventrations et autres amputations… C’était déjà le cas dans "Braveheart". A ce titre, la scène de combat introductive décuple la scène de débarquement sur Omaha Beach de "Il faut sauver le soldat Ryan" (1998) de Steven Spielberg, ce qui n’est pas peu dire. Mel Gibson met en scène les combats avec une violence et un découpage très calculés pour produire un impact rarement atteint, et en faire le film de guerre le plus impressionnant jamais réalisé à ce jour, sans tomber dans la gratuité.

Teresa Palmer et Andrew Garfield dans "Tu ne tueras point" de Mel Gibson 
 (Cross Creek Pictures Pty Ltd / Mark Rogers)

Cette mise en images recoupe le discours anti-violent de Desmond Doss, démontrant les raisons de son engagement à ne pas porter les armes. Désigné comme lâche, ses convictions ne retirent rien à son courage et démontrent la continuité entre sa pensée et ses actes. Fervent catholique, Gibson ne manque pas avec une certaine lourdeur de faire de Desmond Doss un héros christique (le martyre que Doss subi de ses congénères, son abnégation, sa descente de la falaise les bras en croix) - une obsession chez lui. Le cinéaste est fidèle à lui-même et ne cache pas les convictions qui guident son propos avec un prosélytisme certain. Le titre français renforce la portée biblique du film, ce qui ne déplait pas au cinéaste, alors que le titre original (américain), plus sobre, est "Hacksaw Ridge", du nom de la bataille mise en scène. Son long métrage n’en reste pas moins d’une rare puissance pour en faire un des meilleurs films de guerre et anti-violents qui soient. Le témoignage du vrai Desmond Doss en guise d’épilogue est bouleversant dans la simplicité émanant de sa personne, véritablement lumineuse. Pure.

"Tu ne tueras point" : l'affiche française
 (Metropolitan Filmesport)

LA FICHE

Drame de guerre de Mel Gibson (Etats-Unis) - Avec  Andrew Garfield, Vince Vaughn, Teresa Palmer, Sam Worthington, Luke Bracey, Hugo Weaving, Rachel Griffiths - Durée : 2h11 - Sortie : 9 novembre 2016
Interdit aux moins de 12 ans

Synopsis : Quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Desmond, un jeune américain, s’est retrouvé confronté à un dilemme : comme n’importe lequel de ses compatriotes, il voulait servir son pays mais la violence était incompatible avec ses croyances et ses principes moraux. Il s’opposait ne serait-ce qu’à tenir une arme et refusait d’autant plus de tuer.

Il s’engagea tout de même dans l’infanterie comme infirmier. Son refus d’infléchir ses convictions lui valut d’être rudement mené par ses camarades et sa hiérarchie, mais c’est armé de sa seule foi qu’il est entré dans l’enfer de la guerre pour en devenir l’un des plus grands héros. Lors de la bataille d’Okinawa sur l’imprenable falaise de Maeda, il a réussi à sauver des dizaines de vies seul sous le feu de l’ennemi, ramenant en sureté, du champ de bataille, un à un les soldats blessés.

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