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"Real" : l'émouvante S-F. de Kiyoshi Kurosawa

Kiyoshi Kurosawa, qui n'a rien à voir avec son illustre homonyme Akira Kurosawa, s'est rapidement fait un prénom dès son film "Kaïro", qui lui apporta la consécration internationale. Il jouait déjà avec le fantastique que le réalisateur visitera à plusieurs reprises. Le cinéaste se lance ici plus spécifiquement dans une science-fiction soft, mais où ses fantômes coutumiers sont toujours présents.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 4min
Takeru Sato et Haruka Ayase dans "Real" de Kiyoshi Kurosawa
 (Version Originale / Condor)

De Kiyoshi Kurosawa (Japon), avec :  Takeru Sato, Haruka Ayase, Jô Odagiri - 2h07 - Sortie : 26 mars 2014

Synopsis : Atsumi, talentueuse dessinatrice de mangas, se retrouve plongée dans le coma après avoir tenté de mettre fin à ses jours. Son petit-ami Koichi ne comprend pas cet acte insensé, d'autant qu'ils s'aimaient passionnément. Afin de la ramener dans le réel, il rejoint un programme novateur permettant de pénétrer dans l'inconscient de sa compagne. Mais le système l'envoie-t-il vraiment là où il croit ?

Labyrinthe spatio-temporel amoureux
Si Kiyoshi Kurosawa a réalisé à plusieurs reprises des films fantastiques ("Rétribution", "Loft", "Séance"…), il est à des lieux d'un traitement horrifique, préférant les ambiances, parfois non dénuées de chocs visuels, et d'une temporalité contemplative. La légende veut que le contenu de la cassette maudite de "Ring" (dont le scénario rappelle celui de "Kaïro") aurait été tourné par Kurosawa. Une des séquences les plus effrayantes du cinéma fantastique. Avec "Real", le cinéaste reste dans son domaine de prédilection, un fantastique feutré, sensible, où les sentiments dominent les effets.

En partant de thèmes classiques - fantômes, médiumnité, doppelganger… -, Kiyoshi Kurosawa les pourvoit d'une approche résolument autre de ce que l'on peut attendre, tant dans leur traitement scénaristique que formel. Dans "Real", le cinéaste nippon prend comme point de départ la possibilité de pouvoir visiter l'esprit d'une personne dans le coma afin de l'en faire sortir, ou d'y trouver des réponses à une énigme. Le sujet avait déjà fait l'objet du film de Tarsem Singh, "The Cell" en 2000. L'Américain alignait effet sur effet, avec le penchant esthétisant qu'on lui connaît. Le Japonais, lui, y va tout en douceur, sur la pointe des pieds, construisant son récit à l'image du labyrinthe spatio-temporel dans lequel sont pris ses personnages, avant tout étreints par l'amour, qui rappelle "La Jetée" de Chris Marker.

Takeru Sato et Haruka Ayase dans "Real" de Kiyoshi Kurosawa
 (Version Originale / Condor)

Godzilla, mythe rédempteur
Même s’ils sont très différents, "Real" entretient des liens avec "Her" de Spike Jonze sorti la semaine dernière. S-F soft, relation amoureuse virtuelle par le biais de la technologie, coup de théâtre aux trois-quarts du film… Les comparaisons entre les deux vont à leur avantage. Tous deux parlent avant tout d’un amour mis au défi de l’éloignement, que la cybernétique permet de raccourcir. Mais elle a ses limites. Comme si par métaphore, ces films mettaient en perspective avant tout l’illusion du "cybersex", ou des sites de rencontre qui occupent beaucoup la toile.

Dans "Real", ce propos passe au second plan, car les deux protagonistes se connaissent, alors que dans "Her", le héros invente son amoureuse virtuelle, comme un phantasme. Les deux ne sont toutefois pas si éloignés que cela… Mais chez Kurosawa, le vrai sujet est le temps, un épisode de l’enfance des deux protagonistes étant la cheville ouvrière du scénario.  S’y engouffre toute une culpabilité qui va s’exprimer sous la forme d’une référence aux films de "Kaiju" (Godzilla et consorts) qui s’adressent majoritairement aux enfants, ou à l’enfant qui persiste chez l’adulte.

Laffiche de "Real" de Kiyoshi Kurosawa
 (Version Originale / Condor)

Cette résolution dans "Real" relève d’une géniale invention formelle, lors de magnifiques scènes visuelles et d’action, en continuité avec le scénario, et complémentaires à l’intimisme dominant du film. Il y aurait encore beaucoup à dire sur "Real", tant le film se plait à nous perdre entre réalité et virtualité dans les multiples labyrinthes qu’il traverse, avec une poésie rare. Avec "Real", Kiyoshi Kurosawa se confirme comme un des plus grands cinéastes contemporains.

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