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"Les confins du Monde", Gaspard Ulliel et Gérard Depardieu fascinants en pleine guerre d'Indochine

Guillaume Nicloux présente son 12e long-métrage, "Les confins du monde" qui sort le 5 décembre. Gaspard Ulliel y interprète un soldat français aux tout débuts de la guerre d'Indochine. Loin des chromos attendus, Il poursuit une vengeance illusoire dans la boue, sous la pluie et dans les brouillards d'un Vietnam du Nord magnifique et mortel. Gérard Depardieu y est somptueux dans un second rôle.
Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Gaspard Ulliel dans "Les confins du monde"
 ( Ad Vitam)

Là-bas, on ne dit pas "la guerre d'Indochine" ou "la guerre du Vietnam", là-bas on dit "la guerre des Français" et "la guerre des Américains". Le nouveau film de Guillaume Nicloux nous entraîne au tout début de "la Guerre des Français". Le second conflit mondial vient de se terminer, nous sommes en 1945 et c'est désormais dans les pays d'Indochine que les militaires français vont continuer à se battre. Robert Tassen (Gaspard Ulliel), est affecté à un poste avancé du nord, en plein Tonkin comme on disait alors. Les Japonais viennent de se rendre maîtres de tout le nord où ils commettent de nombreuses atrocités.
Seul rescapé d'un massacre au cours duquel son frère et la femme enceinte de son frère sont torturés et assassinés, Tassen se jure de les venger. Il fera tout, dès lors, pour retrouver le lieutenant d'Ho Chi Minh coupable à ses yeux de ne pas avoir empêché les Japonais de commettre la tuerie. Une obstination que viendront compromettre la rencontre avec une jeune femme et la naissance d'un amour impossible.


500 000 victimes

Si elle a suscité de nombreux romans, la période de la guerre d'Indochine (qui a fait 500 000 victimes) n'a pas été souvent traitée au cinéma. Les films restés dans les mémoires sont avant tout le très clinique "La 317e section" de Pierre Schoendoerffer, un modèle de réalisme sorti en 1963, les deux adaptations du roman de Graham Greene "Un Américain bien tranquille" (Joseph Mankievicz en 1958 et Philip Noyce en 2002) et "Indochine" de Régis Warnier en 1992. Beaucoup moins de films, en tout cas, que ceux suscités par ce qu'il est convenu d'appeler la guerre du Vietnam, celle menée par les Américains. "Les confins du monde" se démarque nettement de tous ces films, même s'il est possible de lui trouver une parenté avec le réalisme de "La 317e section", sinon avec certains aspects d'Apocalypse Now, sans le déluge de moyens.

Aux confins de la folie

Dans cet enfer de moiteur, de boue, de pluie et de brume, dans des paysages de jungle montagneuse qui seraient spendides s'ils ne cachaient des combattants ennemis, des sangsues redoutables et des serpents mortels, Robert Tassen va tenter de remonter le fleuve imaginaire qui doit le conduire .jusqu'au responsable de la mort de son frère. Comme en 1979 le capitaine Willard remontait une rivière bien réelle celle-là dans "Apocalypse Now". Et c'est bien aux confins du monde que cette quête trouve son décor, aux confins de la folie aussi, l'obsession tenant lieu de volonté.
L'affiche de "Les confins du monde"
 (Ad Vitam)

Etonnant Depardieu

Gaspard Ulliel est, une fois de plus, remarquable dans ce rôle toujours sur la corde raide, entre rage et désespoir. Il y est entouré d'un casting sans faute à commencer par Lang-Khe Tran, qui interprète Maï, la jeune femme à qui il voue un amour sans espoir. Mais c'est Gérard Depardieu qui étonne, une fois encore. Il est Saintonge, un écrivain désabusé, exemplaire typique de ces occidentaux qui se sont peu à peu dissous dans l'atmosphère languide de ce pays aussi désiré que redoutable. Un personnage directement inspiré par l'écrivain Lucien Bodard avec qui le comédien partage son impressionnante présence physique. Ce fils d'un consul français en Chine était de ces occidentaux presque hybrides qu'on appelait alors des "Asiates". 

Gaspard Ulliel et Gérard Depardieu dans "Les confins du monde"
 (Ad Vitam)

Un film plein de points de suspension

"Les confins du monde" malmène son spectateur en même temps que son principal personnage. Rien n'est caché  des corps mutilés, des souffrances, des actes sexuels solitaires ou en couple et pourtant la caméra de Guillaume Nicloux ne laisse jamais la porte ouverte au voyeurisme ou à la satisfaction d'un quelconque plaisir morbide. Elle est clinique, n'ajoutant jamais le moindre pathos inutile à son récit. Ce constat dépassionné fait de ce film plein de points de suspension l'antithèse d' "Indochine" qui n'évitait en 1992 aucune idée reçue ni sentiment attendu.

Les récits de Raoul Couttard

Guillaume Nicloux et son coscénariste Jérôme Beaujour semblent avoir lu ce qu'il fallait lire des romanciers de l'Indochine, à commencer par Jean Hougron, Erwann Bergot et bien sûr Lucien Bodard. Ils ont su en distiller l'atmosphère à défaut d'y puiser leur inspiration. Ce sont les récits de Raoul Couttard, chef opérateur de Pierre Schoendoerffer qui ont incité Nicloux à s'intéresser à ce sujet. Cet amoureux de l'Indochine, disparu il y a un an et demi, était un puits d'histoire et d'anecdotes. Oui, il y a eu une vraie guerre entre 1945/46 et 1954 et le cinéma français ne devrait pas l'oublier. "Les confins du monde" nous le rappelle sans faire pour autant cet acte de mémoire dont on nous rebat les oreilles. En tout état de cause, un film honnête, et celui-ci l'est vraiment, ne peut pas montrer la guerre autrement que sous son vrai jour, celui d'un quotidien fait de peur, de dégoût et d'horreur avec pour seuls espoirs la perspective d'un retour incertain et, parfois, l'hypothèse d'un amour. 

La fiche

Genre : Drame psychologique et historique
Réalisateur : Guillaume Nicloux
Pays : France
Durée : 1h43
Acteurs : Gaspard Ulliel,Guillaume Gouix, Lang-Khe Tran, Gérard Depardieu 
Sortie le 5 dcembre 2018
Synopsis : Indochine, 1945. Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul survivant d'un massacre dans lequel son frère a péri sous ses yeux. Aveuglé par sa vengeance, Robert s'engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses croyances.

Retrouver sur ce lien l'entretien que Guillaume Nicloux a confié à Culturebox au festival de Cannes.


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