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"Dernier amour" : Benoît Jacquot dirige Vincent Lindon, touchant en Casanova éconduit

Benoît Jacquot revisite le XVIIIe siècle dans "Dernier amour", après "Les Adieux à la reine" (2011), "Gaspard le bandit" (TV, 2006), "La Fausse suivante" (2000), ou "Sade" (2000), une époque qu’il décrit toujours avec talent. Il évoque ici un épisode des "Mémoires" de Casanova, où le séducteur impénitent raconte la seule fois où il fut amoureux. Avec un Vincent Lindon encore remarquable.
Article rédigé par Jacky Bornet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Vincent Lindon et Stacy Martin dans "Dernier amour" de Benoît Jacquot
 (Diaphana Distribution)

Traumatisme affectif

Casanova fut maintes fois adapté au cinéma, même si l’on peut ne retenir que deux films admirables, "Casanova, un adolescent à Venise" (1976) de Luigi Comencini et "Casanova" (1977) de Federico Fellini. Comme le maître italien, Benoît Jacquot renvoie à l’autobiographie du libertin et reprend un des épisodes de son film dans "Dernier amour". Celui-ci évoque comme un traumatisme affectif la seule passion non consommée du Vénitien.
Sur la fin de sa vie, Casanova (Vincent Lindon), bibliothécaire en Bohême, est interrogé par une belle visiteuse sur ses amours passés. Il lui raconte qu’arrivé à Londres, banni d’Italie et de France, reprenant sa vie de joueur et de séducteur, il tomba sous le charme d’une belle courtisane, la Charpillon (Stacy Martin). Mais elle, qui vendait ses charmes aux plus offrants sans difficulté, se refusa à lui et le mit au défi de l’aimer pour elle-même et non comme une conquête de plus.

Reportage : M. Berrurier / S. Gorny / G. Beaufils / A. Pacary / C. Ricco

La mécanique des femmes

Fellini raconte cet épisode de la vie de Casanova en faisant de la Charpillon une automate dont tombe éperdument amoureux le libertin, sans pouvoir la posséder. Le maître italien filmait une métaphore de la mécanique des femmes qui, par leur refus se font plus désirer, et d’un amour obsédant car impossible. Benoît Jacquot lui, se rapprocherait plus du "Jeu de l’amour et du hasard" de Marivaux, auteur qu’il a déjà adapté dans "La Fausse suivante". Des propres mots de son héros séducteur, l’on n’aime jamais autant que lorsque l’on est éconduit. Casanova, qui se flatte de mille et une conquêtes sans jamais avoir aimé, ou en les ayant aimé toutes, ce qui reviendrait au même, se voue d’une passion folle envers la seule qui se refuse à lui.

Vincent Lindon passe avec "Dernier amour" d’un syndicaliste batailleur dans "En guerre" (Stéphane Brizet, 2018) à une figure historique et littéraire majeure. Il montre ainsi combien son talent d’acteur de composition est des plus affutés. Il fait de son Casanova, à la réputation égotique, un personnage touchant par la brisure de ce qui s’avère être le principal échec de sa vie. En courtisane, Stacy Martin (vue dans "Joueurs" ou "Le redoutable") devient son alter ego féminin. Elle monnaye ses charmes des fortunes à ses amants de passage avec un dédain méprisant. Elle rend ainsi la monnaie de leur pièce, à des hommes qui ne la possèderont jamais vraiment et se paye le luxe d’éconduire leur modèle à tous. Belle revanche.
Vincent Lindon et Stacy Martin dans "Dernier amour" de Benoît Jacquot
 (Diaphana Distribution)
Benoît Jacquot fait encore preuve de l’élégance qui caractérise sa mise en scène à chaque film. La sobre beauté de sa reconstitution historique encadre la peinture des personnages, nourris d’un texte ciselé, tous acteurs d’une progression des sentiments. Un "Dernier amour" s'inscrit avec cohérence  dans la filmographie d’un réalisateur qui suscite une fois encore le plaisir de le retrouver. Un rendez-vous galant à ne pas manquer.
"Denier amour" : l'affiche
 (Diaphana Distribution)

LA FICHE

Drame de Benoît Jacquot
Pays : France
Avec :  Vincent Lindon, Stacy Martin, Valeria Golino, Julia Roy, Nancy Tate, Anna Cottis, Heyley Carmichael, Christian HericksonNathan Willicocks
Durée : 1h38
Distributeur : Diaphana Distribution
Sortie : 20 mars 2019

Synopsis : Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu, arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore tout, il rencontre à plusieurs reprises une jeune courtisane, la Charpillon, qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Casanova est prêt à tout pour arriver à ses fins mais La Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers. Elle lui lance un défi, elle veut qu’il l’aime autant qu’il la désire.

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