"Dernier amour" : Benoît Jacquot dirige Vincent Lindon, touchant en Casanova éconduit
Traumatisme affectif
Casanova fut maintes fois adapté au cinéma, même si l’on peut ne retenir que deux films admirables, "Casanova, un adolescent à Venise" (1976) de Luigi Comencini et "Casanova" (1977) de Federico Fellini. Comme le maître italien, Benoît Jacquot renvoie à l’autobiographie du libertin et reprend un des épisodes de son film dans "Dernier amour". Celui-ci évoque comme un traumatisme affectif la seule passion non consommée du Vénitien.Sur la fin de sa vie, Casanova (Vincent Lindon), bibliothécaire en Bohême, est interrogé par une belle visiteuse sur ses amours passés. Il lui raconte qu’arrivé à Londres, banni d’Italie et de France, reprenant sa vie de joueur et de séducteur, il tomba sous le charme d’une belle courtisane, la Charpillon (Stacy Martin). Mais elle, qui vendait ses charmes aux plus offrants sans difficulté, se refusa à lui et le mit au défi de l’aimer pour elle-même et non comme une conquête de plus.
Reportage : M. Berrurier / S. Gorny / G. Beaufils / A. Pacary / C. Ricco
La mécanique des femmes
Fellini raconte cet épisode de la vie de Casanova en faisant de la Charpillon une automate dont tombe éperdument amoureux le libertin, sans pouvoir la posséder. Le maître italien filmait une métaphore de la mécanique des femmes qui, par leur refus se font plus désirer, et d’un amour obsédant car impossible. Benoît Jacquot lui, se rapprocherait plus du "Jeu de l’amour et du hasard" de Marivaux, auteur qu’il a déjà adapté dans "La Fausse suivante". Des propres mots de son héros séducteur, l’on n’aime jamais autant que lorsque l’on est éconduit. Casanova, qui se flatte de mille et une conquêtes sans jamais avoir aimé, ou en les ayant aimé toutes, ce qui reviendrait au même, se voue d’une passion folle envers la seule qui se refuse à lui.Vincent Lindon passe avec "Dernier amour" d’un syndicaliste batailleur dans "En guerre" (Stéphane Brizet, 2018) à une figure historique et littéraire majeure. Il montre ainsi combien son talent d’acteur de composition est des plus affutés. Il fait de son Casanova, à la réputation égotique, un personnage touchant par la brisure de ce qui s’avère être le principal échec de sa vie. En courtisane, Stacy Martin (vue dans "Joueurs" ou "Le redoutable") devient son alter ego féminin. Elle monnaye ses charmes des fortunes à ses amants de passage avec un dédain méprisant. Elle rend ainsi la monnaie de leur pièce, à des hommes qui ne la possèderont jamais vraiment et se paye le luxe d’éconduire leur modèle à tous. Belle revanche.
Benoît Jacquot fait encore preuve de l’élégance qui caractérise sa mise en scène à chaque film. La sobre beauté de sa reconstitution historique encadre la peinture des personnages, nourris d’un texte ciselé, tous acteurs d’une progression des sentiments. Un "Dernier amour" s'inscrit avec cohérence dans la filmographie d’un réalisateur qui suscite une fois encore le plaisir de le retrouver. Un rendez-vous galant à ne pas manquer.
LA FICHE
Pays : France
Avec : Vincent Lindon, Stacy Martin, Valeria Golino, Julia Roy, Nancy Tate, Anna Cottis, Heyley Carmichael, Christian HericksonNathan Willicocks
Durée : 1h38
Distributeur : Diaphana Distribution
Sortie : 20 mars 2019
Synopsis : Au XVIIIe siècle, Casanova, connu pour son goût du plaisir et du jeu, arrive à Londres après avoir dû s’exiler. Dans cette ville dont il ignore tout, il rencontre à plusieurs reprises une jeune courtisane, la Charpillon, qui l’attire au point d’en oublier les autres femmes. Casanova est prêt à tout pour arriver à ses fins mais La Charpillon se dérobe toujours sous les prétextes les plus divers. Elle lui lance un défi, elle veut qu’il l’aime autant qu’il la désire.
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