"Dans la maison" : un Luchini habité dans un Ozon remarquable
De François Ozon (France), avec : Fabrice Luchini, Ernst Umhauer, Kristin Scott Thomas, Emmanuelle Seigner, Jean-François Balmer - 1h45 - Sortie : 10 octobre
Synopsis : Un garçon de 16 ans s'immisce dans la maison d'un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l'enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d'événements incontrôlables.
Dans l’ombre d’Hitchcock
On sait François Ozon amateur d’histoires tordues pour les enchâsser dans des mises en scène très « proprettes », cadrées, avec des comédiens et comédiennes de grande classe. Ce qui leur donne encore plus d’impact. D'autant que l'humour est fourni. Aujourd’hui, c’est Fabrice Luchini qui s’y colle, dans un rôle sur mesure, embringué dans une intrigue hitchcockienne qui serait comme un « Fenêtre sur cour » par procuration, avec des prolongements qui vont bien au-delà de ce à quoi l’on pouvait s’attendre..
Au cœur du scénario : le processus de création artistique, ici incarné chez un élève de 3e qui relate de jour en jour ses fantasmes dans des rédactions quotidiennes destinées à son prof de français, fasciné par le don d’écriture de son élève. Fantasme mêlent fiction et réalité et la fin d’un fantasme est de ne pas être assouvi dans la réalité. Ozon joue tout le long de « Dans la maison » de ce jeu, avec brio, brouillant constamment les pistes, jusqu’à la fin.
« Le parfum d’une femme de classe moyenne »
David (Ernst Umhauer) n’est-il jamais rentré dans la maison de ce copain d’école qui le fascine ? Est-il le narrateur de faits réels ou de son imagination ? Est-il le manipulateur de son professeur, où est-ce lui qui lui souffle sa prose ? Comme dans « Fenêtre sur cour », où James Stewart se disait témoin d’un meurtre qu’il a peut-être inventé, « Dans la maison » joue de cette ambigüité, mais la resitue dans le processus de création.
La musique de Philippe Rombi aux accents de Bernard Herrmann (compositeur récurrent d’Hitchcock) ne fait qu’aller dans ce sens. Luchini est remarquable dans un rôle qu’il endosse comme sur mesure, le jeune Ernst Umhauer à son côté, joue d’une froideur discrète et inquiétante ; Kristin Scott Thomas, en épouse frustrée inspire une compatie ironique, et Emmanuelle Seigner n’a jamais été aussi sensuelle en « femme de classe moyenne », telle que la définit David. « Dans la maison » distille un parfum vénéneux, absolument enivrant en s’affirmant comme le meilleur film français de cette rentrée, qui tardait à arriver.
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