"A second chance" de Susanne Bier : Nikolaj Coster-Waldau, pour l'amour d'Alexander
Susanne Bier. Oscar du meilleur film en langue étrangère en 2011 pour "Revenge", retraçant le parcours du jeune Christian, que le décès de sa mère arrachait à l'insouciance de l'enfance. Un drame existentiel et humaniste remarquable. L'an dernier, elle nous offrait "Serena", avec Bradley Cooper et Jennifer Lawrence. Au cœur de ce mélo, de l'amour, de l'argent et de la violence. Mais surtout la souffrance d'une femme ne pouvant donner d'enfant à son mari.
Pour son nouveau long métrage, la réalisatrice danoise décide de creuser encore un peu plus son sillon. Celui de la famille. De la famille à problème.
Le mec parfait
Andreas (Nikolaj Coster-Waldau) est un jeune et prometteur inspecteur à qui tout semble réussir. Il adore son boulot. Et sa femme, qui l'aime éperdument, vient de lui donner un enfant. Un bébé qui ne cesse de pleurer et qui doit, tous les soirs pour s'endormir, faire une petite balade nocturne. Tâche dont il s'acquitte avec le plus grand plaisir. Car Andreas, c'est un peu le type parfait. En plus d'être un père attentionné et un mari aimant, c'est aussi un pote sur lequel on peut compter.Un mec qui n'hésite pas à quitter illico le domicile familial, pour porter secours à son coéquipier et ami récemment divorcé et alcoolique, Simon (Ulrich Thomsen). Un trait d'ailleurs beaucoup trop poussé tant on se doute, dès les premières scènes du film, que cette sorte de demi-dieu ne va pas tarder à sombrer. Tous les atours du drame social se dessinent alors dans la première partie.
L'influence du Dogme95
Surtout lorsqu'un matin, Andreas et Simon sont appelés pour une dispute chez un couple de toxicos. Là, caché dans un placard, ils vont découvrir un nourrisson, comme laissé à l'abandon et recouvert de fange. La sienne. En état de choc, il regagne son domicile perturbé par cette intervention. Dans la nuit, les cris épouvantés de sa femme le réveille. Alexander, leur nouveau-né, est mort dans son sommeil. Andreas, désemparé et pour empêcher que sa femme Anna qui avait tant attendu cet enfant ne sombre dans la folie, va commettre l'impensable.Et voilà que le drame vire au thriller, noir et sobre. Dépouillé de toute ambition esthétique et en prise directe avec le réel.
Susanne Bier a fait partie du Dogme95, ce mouvement cinématographique lancé en 1995 par plusieurs réalisateurs danois dont Lars von Trier et Thomas Vinterberg, pour "s'opposer à certaines tendances du cinéma actuel", comme ces superproductions anglo-saxonnes friandes d'artifices et d'effets spéciaux.
La réalisatrice, après un passage par "Serena", film qui semblait sacrifier son propre propos au profit d'une qualité esthétique indéniable, semble revenir à l'essence même de son cinéma. "Je ne suis plus un artiste. Je jure de m'abstenir de créer une œuvre. Mon but suprême est de sortir la vérité de mes personnages et de mes scènes", énonçaient certains commandements de ce testament. Si Suzanne Blier s'est bien sûr écartée de beaucoup d'autres, on sent dans de nombreuses scènes cette influence.
Brutal et réaliste
Sans trop en faire, sans trop en montrer, la douleur est omniprésente. La cinéaste touche juste en emportant le spectateur dans cette tragédie intimiste tout en démontrant tout son talent dans la direction d'acteurs. Et quels acteurs. Ulrich Thomsen, aperçu dans la série "Banshee", et infiniment touchant en flic alcoolique qui n'a plus goût à rien. Puis que dire de Nikolaj Coster-Waldau, bien connu des fans de "Game of Thrones" et bouleversant de justesse dans ce rôle du mec prêt à tout pour conserver un bonheur qui s'est déjà enfui.Malgré quelques longueurs et des dialogues parfois un peu surécrits, la réalisatrice parvient à nous livrer un film sordide et complexe sans jamais verser dans le mélodramatique. Brutal et réaliste.
Drame de Susanne Bier - Avec Nikolaj Coster-Waldau, Maria Bonnevie et Ulrich Thomsen - Durée : 1h42. Sortie le 13 janvier 2016.
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