"A Dangerous Method" : Freud et Jung sur le divan
Sabina Spielrein souffre d'hystérie, et est soignée par Carl Jung qui expérimente la psychanalyse. Elle devient sa maîtresse. Leur relation est révélée quand Sabina rentre en contact avec Sigmund Freud.
Première historique pour Cronenberg
Il n’est guère étonnant de voir David Cronenberg s’attaquer à la naissance de la psychanalyse, sous l’angle qu’il a choisi dans "A Dangerous Method". Le réalisateur canadien avait déjà abordé les affres du psychisme avec une approche fantastique dans "Chromosome 3" et une autre plus "thérapeutique" dans "Spider", où il traitait d’un schizophrène. Avec "A Dangerous Method", l’approche est résolument historique avec toujours au cœur l’équation entre la psyché et le corps.
C’est la première fois que Cronenberg attaque de front une reconstitution historique, l’action se déroulant à Zurich et Vienne de 1904 à 1913, avec les illustres protagonistes que son Sigmund Freud, Carl G. Jung et la non moins importante Sabina Spielrein, d’abord patiente, puis maîtresse et enfin première femme psychanalyste, au cœur de ce "ménage à trois". Une collaboration horizontale en quelque sorte.
Le film est l’adaptation de la pièce de Christopher Hampton "The Talking Cure", transposition dramatique du livre de John Kerr "A Most Dangerous Method", dont Cronenberg reprend en partie le titre. Force est de constater que le scénario signé par Hampton est à tout point de vue remarquable, réitérant l’exploit qui lui avait valu les éloges de son adaptation des "Liaisons Dangereuses" pour Stephen Frears.
Classicisme approprié
D’aucuns reprochent à Cronenberg, qui a plus d’une fois œuvré dans l’expérimental, d’avoir opté pour une approche classique, voire académique dans "A Dangerous Method". Si la première option est visiblement revendiquée, la seconde frise le péjoratif. C’est tout à son honneur, comme il sied aux plus grands cinéastes, de rester fidèles à leurs fondamentaux, tout en épurant leur cinématographie. D’autres reprochent au Canadien sa froideur distanciée. Elle est à l’instar d’un Kubrick, à qui l’on tenait le même grief, la marque d’une intelligence qui ne se laisse pas engloutir, dominer par le sujet, pour sombrer dans le pathos.
Le sujet de "A Dangerous Method" s’y prêtait. Mais Cronenberg l’évite bien évidemment, en soignant sa reconstitution - de toute beauté -, et en faisant preuve d’une élégance sans faille dans un exposé qui pouvait sombrer dans un didactisme appuyé ou la maladresse. Il est aidé en cela par la prestation de ses trois acteurs remarquables - Keira Knightley, Michael Fassbender, Viggo Mortensen -, auxquels il faut ajouter Vincent Cassel qui campe un Otto Grass azimuté sans en faire trop, dans un rôle, court, mais essentiel ; ainsi que Sarah Gadon, qui interprète l’épouse de Jung, dont la beauté illumine le film.
Le corps du délit
Reste le fond du sujet, qu’Hampton et Cronenberg mettent à plat sans ambages, où les recherches expérimentales de deux hommes qui, à l’origine, s’admirent mutuellement, vont finir par s’opposer, sinon s’affronter. Avec comme pierre d’angle l’amour d’une femme fascinante qui va catalyser leurs vues divergentes, et enfin les séparer, faire scandale, au risque de discréditer la psychanalyse naissante.
L’un des motifs de ce schisme est la prise en considération par Jung d’une irrationalité dans la nature humaine, alors que Freud ramène tout à la sexualité. Sans tomber dans les clichés, le fait que cette pierre d’achoppement soit incarnée, révélée par Sabina Spielrein, traduit bien la fragilité de deux hommes face à des pulsions qui les dominent, alors qu’ils sont en quête de leur maîtrise en les décryptant. S’ils n’y perdent pas leur âme, ils y laissent quelques plumes.
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